L’épopée de Gilgamesh

Pour Amalita Zarate, en hommage amical

   Une question a surgi lors d’un débat qui a fait suite à un exposé sur le sacrifice d’Isaac : “quel lien existe-t-il avec l’épopée de Gilgamesh ?

Ne décelant pas le souvenir d’une quelconque relation entre le chapitre 22 du Livre de la Genèse et le récit sumérien que ma mémoire rattachait plutôt au récit du déluge, j’ai consulté mes cahiers !

Gilgamesh est un roi légendaire de l’île persane de Kish. Son épopée est représentée par une série d’épisodes indépendants. On a retrouvé dans la bibliothèque d’Assurbanipal une œuvre assyrienne unifiée en douze chants, en écriture cunéiforme qu’on possède par ailleurs en vieux babylonien et en traduction hittite.

Ces chants racontent les exploits de Gilgamesh et de son ami Enkidou, dont la démesure prépare leur chute. Enkidou meurt. Gilgamesh part pour un long voyage qui le mènera au-delà des portes du monde, jusqu’à une île où réside son ancêtre qui jouit du privilège de l’immortalité, après avoir survécu au déluge. Gilgamesh franchit une vallée profonde où le dieu solaire, Shamash, disparaît chaque soir. 

Gilgamesh est contraint d’expliquer le but de son voyage à deux gardes de la vallée, leur avouant qu’il s’apprête à franchir les monts pour rejoindre le bord des eaux de la Mort. Mais une cabaretière divine, dénommée Sidouri, tente de décourager Gilgamesh de poursuivre son voyage. Gilgamesh lui répond en se lamentant sur la mort de son ami Enkidou :

“Enkidou que j’aimais tant, qui avait avec moi affronté toutes les fatigues, s’en est allé (...). Jour et nuit j’ai pleuré sur lui, [croyant] que mon ami se relèverait à mes cris (...). Depuis lors, je ne trouve plus de vie (...). Ô cabaretière ! puissé-je ne pas voir la mort que je redoute !”

La cabaretière répondit alors à Gilgamesh :

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Va-t-on vers un choc des civilisations ?

Pour Bernard Kouchner, en hommage amical

    Le monde occidental, à la fois dominant et en déclin, est aujourd’hui confronté au monde musulman, dominé, d’où la rébellion de certains de ses coreligionnaires, est en expansion. Les choses ont changé, depuis que les Arabes d’Espagne faisaient le meilleur accueil aux chrétiens et aux juifs, ou même quand Saladin conquérant Jérusalem marquait plus de mansuétude envers les chrétiens que les chrétiens envers les Sarrasins quand ils avaient conquis Jérusalem. 

Imaginons que des radicaux musulmans entreprennent d’étudier le fondamentalisme chrétien, en se penchant, par exemple, sur ces protestants américains, plus fanatiques qu’un ayatollah, qui cherchent à expurger l’école de toute référence à Darwin. Ils verront peut-être d’un oeil plus critique l’idée de guerre sainte que pour l’heure ils cultivent.

Samuel Huntington avait publié en 1997 un ouvrage qui avait fait couler beaucoup d’encre. Le Choc des civilisations était paru en Français chez Odile Jacob. Considérant que la guerre froide avait été nourrie des idéologies opposées telles que le communisme et le libéralisme, le nazisme et le fascisme contre l’alliance des démocraties, Huntington fait correspondre la fin de cette guerre avec la chute du mur de Berlin et l’effondrement du communisme, en continent Européen particulièrement. À l’affrontement des idéologies a succédé, selon Huntington, celui des civilisations.   

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Sacré et profane s’opposent-ils ?

Pour mes amis du GIP 11 que la question turlupine

   La désacralisation du monde moderne servirait-elle le sacré de la foi, ou bien faut-il, comme cela a été suggéré jadis, contrarier la sécularisation en marche et recréer des zones de sacré afin que la foi de l’homme moderne y trouve de quoi s’abriter, voire y prendre racine  ? 

La sécularisation et la laïcisation ont été saluées par de grands théologiens catholiques ainsi que des philosophes protestants, en ce que l’histoire nous entraîne à sortir du complexe mental et institutionnel de la chrétienté qui imprègne les croyants chrétiens occidentaux depuis l’ère constantinienne et le césaropapisme. C’est cette libération vers une nouvelle chrétienté que visait le concile Vatican II. Il s’agit de donner un témoignage plus pur de l’Évangile, dans le respect des autonomies propres au monde. Ainsi le croyant est-il invité à prendre appui sur sa conscience propre, pour exercer sa liberté, s’émanciper par rapport à ses institutions quand celles-ci lui confèrent un rôle de tuteur d’une civilisation. Le croyant est avant tout missionnaire de ses textes fondateurs, même si l’on reconnaît que la foi ne peut vraiment être enracinée dans un pays que lorsqu’elle a pénétré la civilisation qui, en conséquence, se verra estampillée d’un qualificatif religieux.

Certains théologiens catholiques ont voulu en leur temps, restaurer la chrétienté. D’autres saluaient avec joie le processus de désacralisation du monde, tandis que d’autres encore voulaient le resacraliser. 

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