La France et les Français changent

Pour Michèle Tipy, en hommage amical

   Fractures

La France a changé. Nous voudrions cultiver l’image d’une France productive, alors qu’elle s’est profondément dés-industrialisée. L’enseignement supérieur s’est démocratisé, en même temps que nous observons une dévalorisation des métiers manuels. Nous gardons encore l’image d’une France rurale, alors que nos paysans désertent et que les cités grossissent. Nous conservons l’image d’un pays attaché à ses traditions, malgré l’entrisme de la mondialisation. Nous voudrions enfin maintenir l’image d’une France homogène, alors qu’elle s’est diversifiée, d’abord sur le plan culturel.

Deux fractures sont à retenir selon Jérôme Fourquet (1). La première est la fracture économique : d’un côté, ceux qui n’ont que leur travail pour vivre ; de l’autre, ceux qui ont du patrimoine grâce aux revenus de leur travail ou par un héritage qui leur donne une autonomie économique.

Comment s’affirment les divisions ?

Une première France s’est portée aux élections sur Emmanuel Macron, la deuxième sur Marine Le Pen et la troisième sur Jean-Luc Mélenchon. À cela s’ajoute un tout petit moignon de France, c’est la France traditionnelle. Quant à la France révolutionnaire, celle-ci milite rageusement pour l’égalité.

Des blocs se forment et se renforcent : un bloc néolibéral, un bloc nationaliste voire raciste, un bloc islamo-gauchiste et un bloc mondialiste.

On aspire à un projet tourné vers la réconciliation, vers la résorption des fractures. Cela exige un contenu éthique et politique, qui comprendrait l’empathie qui nourrit l’équité, réhabilite la redistribution, l’autorité, l’identité, et le sacré.

Le tempérament progressiste se porte plutôt sur l’empathie et la redistribution, le tempérament conservateur sur l’autorité, l’identité, et le sacré. Une société qui n’a pas compris cela est incapable de toute conversion.

Reste l’écologie dont l’expression traduit son ancrage à gauche plus que sa préoccupation  climatique. Quand on sait que l’Europe est responsable à 17% de l’émission des gaz à effet de serre, on attend une pression des écologistes français sur les autres nations.  L’écologie n’est pas spontanément un vecteur d’unité. Mais la jeune génération Laudato si’ est sensible au discours authentiquement écologique.

Ce n’est pas la démocratie politique qui va décider toute seule, mais une démocratie délibérative, qui exige que tout citoyen puisse être mobilisé. C’est aussi un exercice de responsabilité. Nous sommes malheureusement dans une société où s’étiole le sens de la responsabilité. Or, s’il est vrai qu’il n’est pas de liberté sans responsabilité, il faut donc que les acteurs de la société et de l’économie puissent participer à la décision. Le Conseil économique social et environnemental ne semble pas suffire pour remettre sur pied un modèle social, malgré les déchirures du tissu français.

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