Quelle expérience fait-on dans l’eucharistie ?

Pour Frère François, fraternellement

   L’expérience personnelle et la rencontre avec le mystère chrétien ouvrent l’accès à sa signification. Sans lien avec notre expérience, l’interprétation des jours de la passion peut rester vide de sens. C’est vrai pour la mort, la nôtre, mais aussi pour notre résurrection. La saisie de l’expérience humaine du Christ éclaire notre propre expérience humaine.

Car c’est notre expérience humaine que le Christ vient rejoindre dans l’Eucharistie. Il y a à chercher, en philosophie comme en théologie, le corps dans ce qu’il a de plus concret, sans symbolisation ni spiritualisation. Et saisir que l’Eucharistie est un corps à corps, une passation de forces et une puissance de la parole.

L’expérience humaine du Christ éclaire l’expérience de chacun. Dans l’unique mesure où son angoisse est mon angoisse, et sa mort ma mort, sa résurrection sera aussi la mienne. On fait trop souvent du Verbe incarné une sorte de héros, en marge.

Une interrogation surgit, de façon naïve, à la suite des juifs cette fois : « comment cet homme peut-il nous donner sa chair à manger ? » (Jn 6, 52). Il y a là un scandale. Si on ne part pas de ce scandale de l’Eucharistie, on demeurera toujours dans la simple habitude, celle du communiant, qui ne mouille pas le maillot, qui ne « mouille pas à la grâce » disait Péguy. Quand je reçois le corps du Christ, et que j’ose dire « Amen », il y a là une étrangeté que je ne peux pas ne pas interroger.

Et qui nous renvoie  à l’irruption de Dieu dans le monde, où il vient rejoindre, d’abord, notre humanité. En ce sens, le Christ, Homme-Dieu, est le « nœud » qui tient ensemble humanité et divinité.

Ce qui compte dans notre expérience, c’est le fait qu’elle peut toujours nous servir de fil conducteur : l’angoisse pour Gethsémani, la naissance pour la résurrection, le corps et l’éros pour l’eucharistie. Le « ceci est mon corps » eucharistique déborde et donne sens au « ceci est mon corps » conjugal. Ce n’est pas l’homme et la femme qui donnent sens à l’expérience de Dieu, mais Dieu lui-même qui intègre, contient, et habite l’expérience de l’homme et de la femme. L’éros conjugal est transformé, « transcendé » par l’agapè eucharistique.

Gérard Leroy, pour le jeudi saint 2024

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