Comment penser Dieu après Auschwitz ?

Pour Laurence Zigliara, en hommage amical

   Du mal on ne peut rien dire. Il convient pourtant d’en parler pour ne pas justifier le mal par des causes qui ne cessent de l’oblitérer.

Comment penser Dieu après Auschwitz ? À cette question si rebattue, on ne peut, pourtant, qu’être muet, reconnaître l’horreur, et faire mémoire de ceux qui l’ont traversée. Ce qui est devenu un moment de l’histoire —de l’« histoire racontée » inscrite dans la « grande Histoire »— peut, et doit aussi, se traiter de façon historique d’abord, et de manière métaphysique. Certes, on pourra dire et signifier, à l’instar de Paul Ricœur, que le mal n’est pas une question en soi, mais d’abord une interrogation pour moi, un défi, que le problème n’est pas ou plus ce qu’est le mal, mais ce qui me fait mal. Et la question devient dès lors : non pas « pourquoi ? », mais « pourquoi moi  ? ».

Auschwitz demeure une question, voire la question par excellence du mal en matière de philosophie contemporaine. Paradoxalement, plus l’évidence du mal nous atteint dans l’écart que nous entretenons avec sa cruauté, et plus il paraît urgent de dégager un horizon. On fera surgir avec plus de force encore le mal en comprenant qu’il y a matière à rejoindre ce sentiment d’« absence de soi » par lequel tant de détenus et de mourants sont passés. Le mal, non la cruauté, tient moins dans la masse, l’intensité, ou la différence qualitative de la souffrance éprouvée à Auschwitz, que dans la possibilité pour nous, et pour chacun, d’encore y participer.

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