La leçon de Mounier

Pour Sapphô Marlhiac, en hommage amical

   Nous baignons dans un monde caractérisé par la violence, la banalisation du mal, les gesticulations, la rentabilité, le calcul, la cupidité du capitalisme, le matérialisme plat, la modernisation oublieuse de la personne humaine, la pensée assoupie. Ceux qui soutiennent qu’il faut souder les principes propriété-famille-patrie-religion véhiculent la culture de l’égoïsme familial, du nationalisme et du pharisaïsme pieux pour entériner le tout. Observons les déroutes. L’appel à l’esprit surgit de la faim et de la soif, de la colère, voire de la détresse, plus âpre que l’angoisse.

« L’esprit seul est cause de tout ordre et de tout désordre, par son initiative et son abandonnement » pensait Emmanuel Mounier. Il est rejoint par le pape François qui, dans Laudato si’ soutient une écologie intégrale, comprenant l’économie, le social, et la spiritualité, cette dernière dimension étant abandonnée par l’homme oublieux de sa mutilation. La révolution que Mounier appelle de ses vœux est spirituelle. Ce choix le rapproche d’un Vaclav Havel Havel qui avait souligné qu’« aujourd’hui, on a érigé un mur de béton entre Dieu et l’humanité, entre Jésus et les jeunes et même les enfants, entre l’Eglise et la société. L’ennemi de Mounier c’est la catégorie des accapareurs du spirituel, qu’ils soient de droite ou de gauche. Cette orientation le distingue évidemment des penseurs marxistes, qui font des rapports économiques l’infrastructure de la société et le moteur de l’Histoire, et considèrent la religion comme une superstructure sans consistance. Le marxisme a eu raison de penser que la fin de la misère matérielle est la fin d’une aliénation, et une étape nécessaire au développement de l’humanité. Mais elle n’est pas la fin de toute aliénation.

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