Les Grands bouleversements apportés par le christianisme

Pour le Frère Charles, franciscain de Saint Bonaventure de Narbonne, en hommage amical

   De la raison philosophique à la confiance dans la foi

Un bouleversement surgit avec le christianisme naissant : ce qui permet d’approcher le divin, c’est la confiance faite dans la parole d’un homme, ce Christ qui prétend être le fils de Dieu, le logos incarné, on le croit parce qu’il est digne de foi. La raison ne suffit plus. Les chrétiens n’accordent plus l’exclusivité à la raison pour accéder à la vérité. Toute la différence entre religion et philosophie est ici. Il ne s’agit plus d’argumenter pour ou contre l’existence d’un Dieu qui se serait fait homme —l’événement dépasse la raison—, mais de témoigner de ce qu’on a vu le Verbe incarné, et de croire... ou de ne pas croire qu’il s’agit bien de Dieu. L’adhésion n’est plus une question d’intelligence, de raisonnement, de dialectique..., mais de confiance. Ce n’est plus la raison qui est faculté théorique par excellence, mais la foi. La religion en vient à s’opposer au rationalisme qui avait été le cœur de la philosophie, et à détrôner même la philosophie de son piédestal. Que la philosophie a tenté de reprendre.

Au cours de l’histoire, la philosophie et la théologie se sont toujours comportées comme deux sœurs, concurrentes, prenant chacune à son tour la prépondérance sur l’autre. Thomas d’Aquin reconnaissait lui-même que la théologie n’est pas la seule instance d’intelligibilité du monde. La théologie n'est plus en face d'une philosophie unique. Elle est confrontée à une sorte de "monstre à plusieurs têtes, dont chacune parle une langue différente". Si, dans la scolastique, la théologie demeure cependant la reine des sciences, elle est, en tant que science, refusée par Descartes qui opère une diffraction des lumières du savoir. Chez Luther la diffraction s’est opérée au bénéfice de la théologie. Avec Luther et Descartes, les champs de la philosophie et de la théologie sont distincts, cloisonnés. À partir du XIXe siècle, la théologie est considérée comme l’échafaudage de la vérité philosophique. Désormais la théologie est comprise comme un moment nécessaire de la vérité philosophique. Elle n’est pour Lessing, que la servante de la philosophie, et pour le post-hégélien Feuerbach, la raison peut se penser comme faculté suprême. La vérité théologique est dès lors assumée en vérité philosophique, censurée par la philosophie. Tel est le paradigme de l’accomplissement philosophique. Le risque d’aujourd’hui est celui de la totalisation philosophique, qui tend à confisquer le champ herméneutique tout entier. À propos de cette concurrence entre ces deux sciences Le P. M-D Chenu disait un jour que “la philosophie est servante de la théologie, et vice versa; il arrive même que la servante devienne la maîtresse !

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