Pour mes filles, Marie et Edwige, que j’embrasse

   On aime à dire avec fierté, et sur le ton de celui qui a réussi à accéder à l’émancipation, qu’on n’est pas “dogmatique” ! Que signifie ce mot qui parfois est proféré comme une insulte ? Le théologien Karl Rahner disait un jour que les dogmes “sont comme des réverbères. Ils éclairent le chemin de ceux qui avancent. Il n’y a que les ivrognes pour s’y accrocher !”

Disons d’entrée que le dogme est tout autre chose qu’une entrave. Si nous devions nous rendre au plus simple, nous dirions que le dogme est un article de foi. Ainsi tous les articles du credo sont-ils des dogmes.

Au IIIe siècle, alors que la pensée chrétienne se développe et s’approfondit, les hérésies fissurent la chrétienté, aucune ne faisant l’unanimité. L’empereur, désireux de faire l’unité sur son gigantesque territoire, en vient à convoquer tout le monde à Nicée, pour élucider un état de fait incontestable, le fait que l’Église définit comme révélées par Dieu des vérités proclamées par les Apôtres, transmises, parfois sans être enseignées formellement comme révélées par Dieu. L’Église exprime alors le contenu des affirmations de la tradition antérieure par une conceptualisation  actualisée, disponible à l’interprétation pour mettre le sens à l’écart des

interprétations qu’on dira, en conséquence, hérétiques.

Le développement dogmatique exige une vigilance rigoureuse. Il s’agit de vérifier en permanence l’identité entre les propositions de foi qui résultent d’un développement plus tardif et la formulation apostolique  de la révélation reçue du Christ par les Apôtres. La révélation a été close après la mort des Apôtres, et l’Église continue d’attester ce qu’elle a reçu du Christ à l’âge apostolique et ce qu’elle a reconnu comme son patrimoine de foi. Au magistère de garantir la correspondance objective entre les annonces apostoliques et l’herméneutique nouvelle.

Cette herméneutique nouvelle ne peut pas être une nouvelle révélation. Il y a un discernement à opérer entre les annonces apostoliques et les propositions résultant d’une actualisation conceptuelle. Le développement dogmatique est un travail de théologien qui s’est posé la question : “de quelle manière une proposition définie à un certain moment peut-elle s’inscrire dans le patrimoine de foi jusqu’ici retenu ? Quelles formes d’implication sont alors possibles d’après la structure du message révélé ?”

La légitimité du développement dogmatique ne peut se fonder que sur l’assistance de l’Esprit-Saint.  

 

Gérard LEROY, le 18 février 2016