Pour Véronique, affectueusement

   À la peste lointaine succèdent d’autres fléaux dévastateurs qui nous font aujourd’hui traverser une angoissante période, d’inondations, d’attentats, et sous la menace de ce virus indomptable du coronavirus. La mort, qui donne déjà un goût de cendres à nos pauvres joies humaines, nous gâche la vie rien qu’en y pensant. Le temps d’apprendre à vivre il est déjà trop tard. Ce destin absurde qui se profile met en échec tous les pourquoi scientifiques restés sans réponse.

Pendant ce temps, et tandis que beaucoup démêlent les guirlandes, nous attendons Noël. L’écrasante monotonie de nos vies ne serait-elle pas rompue par la venue du Christ et sa venue n’y changerait-elle rien ? Continuons de boire, de manger, de nous émouvoir de nos corps en fête, jusqu’au clap de fin. Tristes vies. Or justement, celui dont nous fêtons la naissance à Noël a renversé ce destin implacable.

Vivons l’Avent. Adventus, en latin, désigne « l’Avent de Dieu », autrement dit son avènement, qui va être l’Événement de l’histoire. Dans l’Avent de Dieu il y a l’avent de l’homme, l’attente, l’espérance.

Ma petite fille Madeleine (9 ans) à qui son Papa demandait si elle se sentait plus pessimiste qu’optimiste, lui a répondu « Je n’ai aucune vision du futur ». Pertinent ! Nous sommes tentés d’aller du présent au futur. Du coup nous extrapolons dans le futur un imaginaire, puis un au-delà fantasmé, puis un Dieu illusoire. 

Il convient d’aller dans l’autre sens. Dieu nous précède toujours. Voyez Noël. La naissance du Christ c’est l’irruption de Dieu dans notre vie quotidienne. C’est un commencement, « Au commencement était le Verbe » (Jn 1, 1). Dieu est en quelque sorte « l’Anti-destin » pour le dire comme Malraux quand il désignait l’art. Nos vies, futiles ou utiles, responsables ou passives, impuissantes ou fragiles ont une issue : l’Avent de Dieu qui défatalise l’histoire de nos vies. 

Laissons entrer la joie que répand cette bonne nouvelle de Noël, de la venue de l’Emmanuel, de « Dieu avec nous » comme il le fut avec le peuple hébreu « qu’il a fait monter de la misère d’Egypte vers le pays ruisselant de lait et de miel » (Ex 3, 17). À Bethléem, la naissance de ce petit Yehôchûa, c’est la naissance de Dieu avec l’homme.

Un nouveau Royaume s’ouvre, il intervient chaque fois que l’amour l’emporte sur la haine, chaque fois que la réconciliation met un terme à l’engrenage de la violence, chaque fois que le désir de paix est plus fort que la fatalité de la guerre. L’homme moderne n’ose plus espérer. Il est désorienté. Il a perdu son orient. « Débout Jérusalem, regarde vers l’Orient ». Derrière cet horizon, il y a Bethléem, Royaume de justice et de paix qu’a inauguré Jésus, l’Emmanuel. 

 

Gérard Leroy, le 16 décembre 2020