Pour Cathy Depernet, en hommage amical

   Retournons à Capharnaïm, dans cette maison où, lors d’un précédent passage, certains s’étaient empressés d’attirer l’attention de Jésus sur la belle-mère de Pierre, clouée au lit avec de la fièvre. En même temps que la mort nous effleure quand nous atteint la maladie, elle est source d’élans de générosité, de solidarité. Nous avons tous été admiratifs devant l’extraordinaire sollicitude des personnels hospitaliers, des pompiers, et de tous les autres à l’occasion de ce funeste virus qui nous affecte encore. De ce mal, surgit alors un bien dont le malade ne soupçonnait pas en être l’objet : plus de chaleur humaine, de charité fraternelle.

À Capharnaüm, toute une délégation fait le siège de Jésus et de la maison où la foule, agglutinée, l’écoute, l’encercle, l’enferme ! Un paralytique dont on ne sait rien d’autre que son moteur est en panne, a attiré autour de lui un petit groupe qui s’active. Quatre porteurs, des gros bras, d’autres bonnes volontés, sûrement aussi des femmes vont apporter leur soin, leur sollicitude, leur charité, tous des gens qui encouragent cet homme, lui tiennent la main, imaginent ingénieusement de le passer par le toit, dirigent la manœuvre. La paralysie de leur voisin a élargi leur cœur et décuplé leur énergie.

Jésus ne s’y trompe pas. Devant ce frère tombé du ciel, paralysé, dans l’incapacité de se mouvoir, Jésus voit la foi, « leur foi », la foi de tous ces gens qui se sont mobilisés sans un mot. Il y a d’autres confessions de foi que celle des lèvres. Et dans cette foi, au nom de cette foi, cet homme peut être enfin soutenu, aidé, pardonné et guéri. Comme si la foi de cette petite équipe était mise au crédit de cet homme. Comme s’il était sauvé en étant plongé dans la foi de ses frères. Exactement comme un enfant baptisé, plongé dans la foi de l’Église. Ou comme dans une célébration communautaire de réconciliation, nous ne venons pas chacun, individuellement, avec notre faiblesse, nos frasques, nos turpitudes, mais nous allons ensemble, les uns au côté des autres, dans la prière, vers le pardon.

L’Église est précisément ce peuple où nous nous donnons les uns aux autres pour être tous, simultanément ou tour à tour, porteurs et portés : « Il a plu à Dieu que les hommes ne reçoivent pas la sanctification et le salut séparément, hors de tout lien mutuel ; il a voulu au contraire en faire un peuple qui le connaîtrait selon la vérité et le servirait dans la sainteté » (Lumen gentium, n° 9).

De sorte qu’en se laissant aider, porté par un frère, on se découvre capable d’humilité, on se place à l’écart de la culpabilité, de la honte de la faillite, ou même de la passivité. 

C’est probablement dans ces jours d’épreuve où l’autre vient nous soutenir, nous renforcer, nous redonner l’espérance, que nous décelons en ceux-là qui nous portent, nos frères, le signe du Christ qui nous accueille.

 

Gérard Leroy, le 18 avril 2020