Pour Bernard Touchot, en hommage amical

   Vous avez entendu le Président français dénoncer, en présence de W. Poutine, « des influences extérieures » dont les militants radicaux sont conseillés par l’étranger, ainsi que du travail de sape de la « russosphère », mené par le média : « Russia Today » désormais présenté sous le sigle « RT ».

C’est du numéro de juillet du mensuel Vanity Fair que j’extraie les informations qui suivent, pour le moins édifiantes. Jugez-en.

RT a débarqué en France récemment, en 2015. L’information que diffuse RT France aussi largement que possible se fabrique selon une direction sise à Moscou, dans un bureau de rédaction installé à Paris. Cet « organe d’influence » c’est l’idée de W. Poutine, en 2005. L’ancien officier du KGB dissous en 1991, est aujourd’hui directeur du FSB, le Service fédéral de sécurité de la fédération de Russie, service secret chargé des affaires de sécurité intérieure. Le Président russe a su mettre au pas les chaînes de télévision. Cependant, si W. Poutine reste populaire à l’intérieur, sur la scène internationale la Russie a essuyé quelques revers. Les Occidentaux voient la Russie « communiste, enneigée, pauvre. » De quoi souhaiter une image un peu plus gratifiante et de promouvoir la Russie au-delà de ses frontières. 

Alors on y met les moyens : trente millions d’€uros. Deux-cents journalistes ou présentés comme tels. La chaîne va devoir s’implanter tous azimuts prenant soin que ses titres défilent sur tous les écrans, que la jeunesse s’abonne à tous les réseaux sociaux. RT Arabic diffuse dans les pays du Moyen-Orient, RT America est installé, on diffuse en langue espagnole, en anglais, en allemand. L’objectif ? Dénoncer sans relâche les misères qui sévissent ailleurs, les tensions raciales, on rétablit « la vérité » sur la guerre en Syrie, on souligne la corruption qu’entretiennent les gouvernants occidentaux, la faillite des institutions démocratiques. Il faut montrer les scènes susceptibles de rendre une mauvaise image des autres, de la France en particulier. 

Sur tous les plateaux on dénonce. En font les frais Hillary Clinton, la technocratie bruxelloise, et même George W. Bush qui aurait « manigancé » les attentats du 11 septembre 2001 ! On multiplie les débats. On accueille les populistes à bras ouverts, ainsi que les « experts », présentés comme des chercheurs ; des essayistes publiés à compte d’auteur passent pour de prestigieux universitaires. Qu’importe ! Alain Soral est rhabillé en « grand écrivain », le singulier négationniste Thierry Meyssan défenseur du régime de Bachar Et-Assad en « journaliste d’investigation », et maints blogueurs négationnistes en « analystes géopolitiques ». L’objectif ? Toujours le même : faire douter les téléspectateurs de leurs médias habituels et les persuader que la version russe est la vraie.  

 L’ossature journalistique est formée, (formatée ?) et comprend de jeunes journalistes, quelques uns démunis, prompts à se renflouer, d’anciens activistes proches de Dieudonné, l’ancien rédacteur en chef de l’Écho des Savanes ou de Siné Hebdo. Tous ces gens sont proches de la ligne de Moscou. 

Ce média se veut d’opposition. Point barre. Et lance la propagande contre le déplorable Obama, flatte Kim et Poutine. La direction a cherché à s’attacher des journalistes renommés… qui ont décliné l’offre. Certains sont tombés dans le panneau, où l’on trouve Frédéric Taddeï qui a profité d’une sortie de secours après son renvoi de France Télévision, ou Jean-Luc Hees qui a pris la responsabilité du comité d’éthique !  Quant à la directrice de l’information, Ekaterina Lazareva, celle-ci interdit de discuter de tel ou tel sujet en conférence de rédaction. Elle n’aurait qu’un mot pour mettre au pas ceux qui s’en offusqueraient : « Fuck you ! »

Depuis plus d’un an la chaîne est la caisse de résonance des Gilets jaunes. Une photo prise lors de l’acte XXII montre un manifestant brandir un panneau sur lequel est écrit : « Merci RT France, média équitable ». 

Car chez RT l’information se nourrit de la peur, des foules en colère, des indignés, des indépendantistes, des altermondialistes. Les reporters sont envoyés au cœur de l’action et filment tout mouvement qui s’organise « là où ça pète » pour renverser, piller, tagger, brûler « à feu et à sang » surtout des monuments institutionnels. Les reportages sont retransmis en direct sur You tube ou Facebook, et les plateaux de RT deviennent des tribunes des Gilets jaunes. Résultat ? Les auditeurs sont prêts à sanctionner le Chef de l’État, le Ministre de l’Intérieur, soupçonnés d’incapacité à gérer la situation. La réaction fait boule de neige : la presse russe avait raison ! La presse Française est assurément asservie au pouvoir. Pardi !

On a vu le Gilet Éric Drouet interpellé par les CRS alors qu’il se « promenait sereinement » sur les Champs Élysées. Son arrestation qualifiée de « musclée » tourne en boucle sur RT. Tout le monde s’indigne de la « criminalisation » d’un simple opposant. Eric Drouet avouera par la suite la mise en scène de cette arrestation pour laquelle Drouet avait convié RT afin qu’elle soit diffusée.

Non seulement les Gilets mais les partisans de la France insoumise s’agglutinent sur les plateaux de RT pour débattre, et surtout pour passer au crible de leur critique le Président français et défendre la politique étrangère russe.

La situation déjà difficile à démêler se complique encore un peu plus ! Il va nous falloir redevenir intelligents pour décrypter, passer au crible de la critique, textuelle ou visuelle, permettant d’accéder à une vérité signifiante qui peut s’écarter du récit et plus encore de l’image. 

 

Gérard Leroy, le 20 septembre 2019