Pour Bruno, en hommage affectueux

   Le monde est inquiet. La menace pèse sur la sécurité des pays occidentaux. N’est-ce pas l’Occident que vise en premier le djihadisme ? Le monde moderne, sécularisé, n’est, pour les radicaux qui se targuent d’être musulmans, qu’un monde d’impies dont il faut, au nom de Dieu, se débarrasser. 

Les chrétiens doivent-ils pour autant emprunter le chemin qui mène aux catacombes ? La situation réclame seulement de l’Église qu’elle soit plus que jamais confessante au cœur de cette société sécularisée.

Il y a cependant un fossé entre les dégâts causés par le terrorisme et les réactions qu’il suscite dont l’ampleur s’apparente à celle que le monde éprouvait en regard du péril soviétique.

Le terrorisme n’est pas une puissance qui viendrait se ranger aux côtés des puissances mondiales négociant tant bien que mal l’équilibre économique et les tensions politiques internationales. Ni les puissances, ni les rapports de force internationaux n’ont été modifiés par l’éboulis des World Trade Centre du 11 septembre 2001. Quand bien même y prétendraient-ils, les terroristes ne remettent pas en cause l’existence même des mondes établis, pas plus l’Occident qu’ils confondent avec le christianisme, que l’Asie centrale ou l’Amérique latine.

Leurs délits peuvent se produire en maints endroits, à tout moment. Ils surprennent, traduisant là notre incapacité à les prévenir ou à les contrôler. Les victimes ? Des citoyens, frappés dans la rue, dans leur église, dans les transports, les magasins, les écoles. Tous les sites sont fragiles dès lors qu’il y a motif à les détruire. C’est aujourd’hui le monde entier qui est le champ de bataille des terroristes.

Mais plus encore que les conséquences physiques des attentats ce sont, semble-t-il, les effets psychologiques qui sont ressentis, non seulement par les victimes survivantes, mais par leur entourage proche et le public lointain. 

Nous sommes bien en face d’une guerre, qui se distingue de toutes les guerres en étant asymétrique. La puissance militaire se présente comme étant hors jeu d’un combat pour lequel elle n’est pas préparée. Le recours à la force militaire est dérisoire devant la ruse que peut déployer celui qui se targue d’être un héros résistant. 

Pascal Boniface, directeur de l’IRIS, considère que le terrorisme n’est pas dicté par des motivations criminelles ou économiques, qu’il s’agit d’actes politiques (1). Ce n’est pas l’avis de l’historien Elie Barnavi, ancien ambassadeur d’Israël en France, qui déclarait que les fondamentalistes fanatiques, pour la plupart des analphabètes que seule l’action directe intéresse, ne cherchent qu’à tuer le plus de gens possible, c’est tout (2). 

Leur menace pèse de plus en plus, d’abord sur l’Irak, la Syrie, le Nigeria, l’Afghanistan et le Pakistan, où se trouvent 80% de leurs victimes.

Il convient de condamner le terrorisme, certes. Mais les condamnations n’ont pas plus d’effet que les mots pieux et n’acquittent qu’à peine la conscience des responsables politiques qui s’empressent de les tambouriner. Il s’agit de combattre. Et pour mieux combattre le terrorisme il s’agit de réfléchir à ses causes. D’abord. Cela permettra d’éviter des erreurs gravissimes, comme la guerre d’Irak de 2003 qui a largement contribué à développer le terrorisme. 

Le désastre auquel tout le monde est confronté  “enjoint aux musulmans, écrivait Ghaleb Bencheikh dans Le Monde (3), de trancher définitivement entre les pratiques barbares de Daech et une exégèse moderne des textes ouvrant sur un autre islam, un islam intelligent, dont la théologie puisse rendre compte.”

Il s’agit en parallèle de mettre en place ce qu’un consensus politique international aura décidé. En vue de faire appliquer les décisions par chaque gouvernement sans qu’aucun ne cherche à tirer pour lui “l’épingle du jeu”. Est-ce envisageable ?

 

Gérard LEROY, le 8 août 2016

 

(1) P. Boniface, La géopolitique, Eyrolles, 2016

(2) E. Barnavi, Les religions meurtrières, Flammarion, 2006

(3) Le Monde, 3 août 2016