Le soufisme est une branche mystique ésotérique de l'islam. Le mot vient de l'arabe sûf , laine. Le mot soufisme s'applique littéralement à la pratique des mystiques qui portent des vêtements de laine, imitant les frocs de laine blanche que portaient les moines chrétiens auxquels fait plusieurs fois allusion le Coran (5, 82, 24, 36ss...).
Le soufisme est un courant qui insiste au-delà de l’unicité de Dieu, sur son caractère inimitable. “Rien ne lui ressemble”. Ce qui entraîne une polarisation extrême de l’homme sur Dieu, un sentiment que Dieu est tout et que la créature n’est rien. C’est ici le point de départ de cet itinéraire spirituel en islam.
Le soufisme s’est construit aussi avec la volonté de suivre l’exemple du Prophète, tel qu’il apparaît dans les hadîths (la tradition).
Dès le 1er siècle de l’Hégire certains Compagnons du Prophète sont attirés par une vie ascétique. Ils se distinguent par des jeûnes fréquents, leurs prières, des retraites spirituelles, leur tristesse et même parfois leur célibat volontaire. On les nomme les “ascètes”, les “dévots”, les “adorateurs”.
Le VIIIe s. voit fleurir des groupes de soufis en Irak, en Syrie, en Égypte, au nord de l’Iran. Ils adoptent le célibat, sont végétariens, mendient et s'en remettant à Dieu pour la subsistance. La grande figure de ce siècle est une femme, Râbi‘a, qui a passé sa vie dans une hutte de roseaux, près de Bassora. Elle ne veut aimer que Dieu seul.
Au IXe s. le soufisme se structure en écoles, à Bagdad, où l’on enseigne comment parvenir à la voie mystique, à travers toutes les purifications (les “nuits”). La grande figure est Al-Hallâj, qui a fait le thème d’un livre de Louis Massignon : Le martyre mystique de l’islam. Al-Hallâj déclarait "Je suis devenu celui que j'aime (Dieu)". Sa doctrine s’établit sur le concept d'union avec Dieu. Autrement dit il n'y a pas de différence entre Dieu et celui qui aime Dieu. Or, l'islam orthodoxe place le fidèle dans la séparation avec Dieu. Les théologiens musulmans l’ont fait emprisonner et exécuter pour hérésie. C’était à Bagdad en 922.
Au Xe et XIe s. le courant soufi se rapproche de l'islam traditionnel, et de marginal il passe au 12ème siècle au stade de confréries. Les manuels de soufisme sont épurés d’éléments hétérodoxes. Le grand nom c’est le théologien mystique Al-Ghazalî, (†1111) selon lequel Dieu seul mérite d’être aimé.
Plus radical encore, une figure de l’islam, morte à Damas en 1240, Ibn ‘Arabi, originaire de Murcie, prône l’existence de Dieu seul. Dieu seul existe vraiment. L’Être est Dieu et tout ce qui existe est manifestation de l’Être-Dieu. Dieu et les créatures partagent la même existence. L’homme n’est pas distinct de Dieu. Il en est l’ombre. Le salut est dans cette connaissance.
Ce soufisme trouvera diverses expressions poétiques, en arabe et en persan, surtout avec Jalâl al-dîn Rûmî, † 1273, qui a écrit un immense traité mystique sur les relations entre le "moi" et le Dieu unique. C’est lui le fondateur des derviches tourneurs en Anatolie (Turquie d’Asie), trouvant l'extase dans une spécifique la danse.
Caractéristiques du soufisme : la Connaissance, qui permet d'atteindre Dieu: "Qui se connaît soi-même connaît son Seigneur", le détachement du monde matériel, la méditation, la contemplation, la prière collective, et le samâ ou "concert spirituel du ciel" réunissant le chant, la musique et la danse, enfin le chemin initiatique, sous la conduite d'un maître (la relation Maître-élève est capitale dans la transmission de la pratique soufie).
De nombreuses fondations de cette confrérie musulmane se disséminent dans l’empire ottoman. Interdites par Ataturk en 1925, la plupart des branches derviches survécurent néanmoins dans la clandestinité jusqu’en 1950. Elles furent autorisées à partir de 1954 à célébrer chaque année l’anniversaire de Rûmî, en accomplissant une danse rituelle dans la ville où est mort le créateur de la confrérie (à Konya, au centre de la Turquie). Cependant, de nombreux couvents ne fonctionnent plus et sont même en ruines. Quelques-uns ne sont ouverts qu’aux adhérents de la secte, tandis qu’il est possible d’assister à des cérémonies, dans d’autres.
Parmi les principales confréries nous discernons la “Confrérie moderne “ des ’Allâwiyya fondée à Mostaganem en 1934.
On ne s’étonne pas que les confréries ont été combattues par les Réformistes et les Intégristes musulmans.
G. LEROY, le 1 août 2008