À mes deux Bernard, Touchot et Kouchner, que j’ai entraînés dans cette aventure

Ils défilent aujourd’hui, ces fous du fond, sur un bitume qu’on pourrait croire coulé pour la circonstance. Ils vont vite, très vite. À vingt kilomètres par heure, les motards qui les filment ne nous laissent même plus le temps de lire les panneaux publicitaires jalonnant leur parcours comme une haie d’honneur.

Tout a commencé il y a bien longtemps, sur le mode de “il était une fois”, un 12 septembre 490 avant Jésus-Christ.

Sur la plaine de Marathon, à une quarantaine de kilomètres de leur ville, les soldats d’Athènes s’apprêtent à affronter la conquérante armée de Perse. Miltiade, chef des Athéniens, a ce jour-là tout contre lui : des renforts qui n’arrivent pas, une pleine lune que ses alliés de Sparte exigent d’attendre, des ennemis en surnombre. L’histoire a parfois de ces mises en scène que les légendes envient. La victoire de Marathon a rejoint la légende.

C’est tout cela qu’aux portes d’Athènes le messager Phillipidès rapporte, le souffle coupé par une course folle. La légende —ou l’histoire, allez savoir— veut que Phillipidès mourut d’épuisement, comme offert en sacrifice aux dieux de l’Olympe.

Les siècles n’ont pas altéré la mémoire. Un helléniste distingué suggéra au baron Pierre de Coubertin de la réanimer. La baron acquiesça. Les Jeux Olympiques, interdits par l'empereur Théodose en 394 au prétexte qu’ils donnaient lieu à des fêtes à caractère païen, ne furent plus qu’un vague souvenir quinze siècles durant, avant que le baron ne les rouvrit, en 1896.

Épreuve reine de l’athlétisme, avec le 100 mètres, le marathon clôt les Jeux, offrant à son vainqueur les lauriers du héros rappelant l’exploit de Phillipidès.

Ignorant la distance exacte parcourue par le messager grec, c’est une course pédestre d’une quarantaine de kilomètres qui fut inscrite dans le programme des Jeux rénovés, à Athènes.

Spiridon Louis la gagna.

Huit ans plus tard, les Jeux Olympiques se déroulaient à Londres. L’arrivée du marathon devait être jugée au stade de White City. La famille royale tenait à voir le départ. On le fixa donc au château de Windsor. C’est depuis lors la distance officielle du marathon.

 Les choses ont bien changé, mais l’idéal demeure.

Notre société matérialiste à outrance, chantre de l’utilitarisme, s’étonne de compter encore des poètes. Qui tentent l’aventure. Belle parce qu’inutile. Mais ô combien exaltante.

Tous les coureurs de marathon, sachant le défi qu’ils relèvent, goûtent la victoire au départ. Avant. Comme Phillipidès.

 

Gérard LEROY, le 7 mai 2008