À mes enfants, que j’embrasse

   La menace de la guerre totale que déclare Poutine aux démocraties doit nous inviter à examiner la justification du réalisme tant invoquée, et qui rappelle la dénonciation par Raymond Aron des « pseudo-réalistes » qui convoquaient le réalisme pour justifier la crainte des crimes de masse. Le vrai réalisme ne consiste-t-il pas à considérer avec justesse les menaces, la perpétuation de crimes, la violence, la violation systématique du droit international ? Il y a chez le mage du Kremlin un projet de destruction de la Charte des Nations Unies (1) mis en place après Nuremberg.

Nous avons lâchement abandonné les Kurdes Turcs, fermé les yeux sur les massacres en Syrie. Même le Conseil de sécurité, plus pétochard que jamais, a demandé à Poutine de faire pression sur Assad « pour qu'il soit moins violent ». Lequel a tout simplement reçu licence de tuer.

Pour le néo-impérialisme un boulevard s’ouvre. Le crime pour le crime est l’essence même du mal. Des trublions politiques extrémistes sont aveugles devant l'horizon du mal. Sur cette question s’ouvre une porte d'entrée fondatrice pour l'analyse géopolitique, alors que les aboiements de nos franchouillards parlementaires ne pensent qu’à la nation en là réduisant à son histoire passée, à sa géographie, à ses propres chamailleries.

Quant aux Russes ils sont pris dans les rets du régime. Le peuple est privé de la liberté qu’il ne recouvrira que lorsque chaque conscience aura retrouvé son autonomie, intuitive ou réflexive, qu’il aura perçu et intériorisé le crime, et saisi à la fois sa vulnérabilité et sa part de responsabilité.

Quant à nous, nous restons au milieu du gué, n’ayant pas intériorisé l’intention d’une guerre totale qui s’annonce, sournoisement, sans doute, hélas irréversible.

Il faut se souvenir ici qu’au lendemain de la crise du jeudi noir aux États-Unis, Henriche Brunings, alors chancelier allemand en 1930, de centre droit, libéral, a pris des mesures suite à la crise de 1929. Positives mais Impopulaires. Toute la Gauche, jusqu’à l’extrême, toutes les droites, jusqu’à l’extrême, tous les sociaux-populistes se sont ligués contre le chancelier. Alfred Hugenberg en tête. L’héritier de Krupp était propriétaire de la moitié de la presse écrite, de cinémas, de radios. Il a imposé l’union des droites dont le « front de Harzbourg » qui véhiculait quelques partis nationalistes dont celui d’Hitler. Le Parti National Socialiste au Parlement est passé de 12 à 107 sièges. Hugenberg a vendu Hitler au patronat et aux grands financiers.

J’ai passé ma tendre enfance dans un climat de résistance, auprès de juifs venus de Belgique recueillis par ma mère. Nous étions devant le mal absolu. Tout comme l’étaient sans l’apercevoir ceux qu’on soupçonnait de collaboration. Les « collabos » se montrent aujourd’hui à l’Assemblée nationale. Française ?

Il fut un printemps, qui aurait fait reculer Poutine si nous n’avions pas frémit, si nous avions appliqué l’article 51 de la Charte. Depuis Poutine a paralysé les esprits.

Cette force du mal incarnée par le Tsar, c’est la volonté de tuer une population détournée de son histoire, revendiquée, caractérisée par son origine, son « ethnie », son allégeance religieuse à Constantinople. Le mal absolu s’est montré en Israël-Palestine, au Rwanda, au Sud-Soudan, comme il s’est encore montré à Marioupol, à Boutcha, à Bakhmut, à Kherson, là où il s’attache à terroriser, déporter des enfants, détruire une culture.

Nombre de mouvements réclament la démocratie, comme le récent mouvement Hirak en Algérie, ou celui, grossissant, de la révolution syrienne, la révolte des parapluies à Hong-Kong. Tous en appellent à la justice et à la liberté, au droit et au respect de la dignité humaine.

Tous ces gens prônent la précellence de la personne sur le groupe. C’est en effet la condition d’émancipation de la conscience individuelle, génitrice des valeurs du groupe.   

 

Gérard Leroy, le 12 avril 2024

(1) « Aucune disposition de la présente Charte ne porte atteinte au droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, dans le cas où un Membre des Nations Unies est l'objet d'une agression armée (…) , jusqu'à ce qu'il juge nécessaire pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales. »