Pour Martin Hirsch, en témoignage de ma fidèle sympathie

Il y a des pauvres. Trop. Aucun système n’y peut rien.  Il y a des riches. Plus que jamais. En anticipant les risques d’explosion les pays riches instaurent des minima, comme le Smic ou le RMI en France. Les écarts continuent cependant de s’élargir et les bénéficiaires d’aide ne se sortent toujours pas de la situation dans laquelle ils sont empêtrés. Voilà la raison de la création du Revenu de Solidarité Active (RSA) que s’obstine, depuis plusieurs années, à créer Martin HIRSCH, ancien directeur de Cabinet au Ministère de la Santé, ancien président d’Emmaüs France, aujourd’hui haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, au sein du Gouvernement de François Fillon.

Le but de son projet est de réintroduire les plus démunis dans le concert économique présent pour que chacun en redevienne acteur, et non l’obligé d’un système. Tel est le projet porté par Martin Hirsch, un projet de société solidaire. Tel doit être, ou devrait être, le projet de toutes les personnes qui se réclament de gauche.

Il implique que le système économique dans lequel nous vivons —et en cela les personnes qui se réclament de droite doivent ou devraient s’y engager— ouvre une brèche pour ces mises en place apparemment marginales que sont le RSA ou même le microcrédit. Ce serait une naïveté de croire que la convoitise effrénée d’enrichissement mène à un quelconque bonheur. Comme l’a dit Muhammad Yunus, prix Nobel de la paix, "si l’on est heureux de posséder une maison, on n’est pas dix fois plus heureux d’en posséder dix". Hélas, aujourd’hui, persuadés que nos rêves de bonheur se situent dans la possession et la consommation jouissive des biens matériels, nous avons transféré notre consommation addictive, y compris des gadgets les plus futiles, en besoins vitaux. D’autre part, il faut bien reconnaître qu’à l’inverse de l’esprit de pauvreté, l’esprit de richesse est enclin à se tourner vers soi-même. C’est pourtant en éprouvant l’absence de satisfaction des besoins vitaux que l’on est mieux à même de découvrir le chemin à suivre pour vivre mieux, et s'en trouver content.

 

Quelle impact la crise sur les plus pauvres ?

Les gens qui vivent de tout petits revenus éprouvent de plus en plus de difficultés à “boucler les fins de mois”, et ce dès le 10 du mois ! Le nombre de prêts sur gages a augmenté. Les centres de loisirs accueillent de plus en plus de gosses, soulageant les parents de la dépense d’un repas.

Les gens modestes n’ont pas d’actions en Bourse et l’on ne saisit pas, d’emblée, comment ils pourraient subir directement la crise financière, certes. C’est pourtant les pauvres qui subiront les effets de la crise économique. Déjà les chiffres du RMI sont en augmentation.

Martin Hirsch a donc décidé de mettre en place une commission d’enquête ayant à lui présenter chaque mois les statistiques révélant avec précision les difficultés des personnes aux revenus les plus modestes. En période de crise M. Hirsch est plus que jamais mobilisé aux côtés de ceux qui sont depuis longtemps la raison de son projet. “On ne peut pas suivre les cours de la Bourse sans suivre les cours de la pauvreté” dit-il, et proposer le moyen le plus efficace “pour faire tenir les digues en période de turbulence”.

Le RSA, Revenu de Solidarité Active, est la digue qu’il a façonnée et qu’il met en place aujourd’hui.

Le RSA avant et après

Avant le RSA, lorsqu’un allocataire du RMI dénichait un emploi à mi-temps, ou même à quart-temps, il perdait automatiquement ses droits au RMI. D’où le penchant naturel à refuser l’emploi proposé.

Après le RSA, le RMI est remplacé par le RSA “à taux plein” et l’ancien allocataire touche désormais 447 €uros, avec possible majoration de l’allocation de parent isolé dans le cas des mères célibataires ayant un enfant à charge. Trouvant un  travail la personne conserve le RSA, diminué de 38% de son salaire acquis par son nouveau job. Prenant l’exemple d’un travail à mi-temps procurant un salaire de 400 € net, le RSA de 447 €  est diminué de 38% des 400 € gagnés par son salaire, soit 152 € . Son nouveau traitement devient : 447 - 152 + 400 = 705 €.

Ce calcul vaut-il en permanence, indépendamment des montants de rémunération ? Non. Si les revenus excèdent 1,04 fois le Smic, ce calcul ne s’applique plus. Mais la personne continue à bénéficier de la prime pour l’emploi si le montant auquel elle a droit est supérieur à son RSA. Notons que ne sont pas bénéficiaires du RSA les seules personnes bénéficiant du RMI.

Ce système a été expérimenté dans 34 départements dont les Conseils généraux se sont portés volontaires. Les résultats sont actuellement évalués par le Parlement. On peut espérer sa mise en place généralisée au 1er juin 2009 et son application aux départements d’outre-mer en janvier 2011. Trois millions et demi de personnes sont concernées.

L’allocataire du RSA doit en contre-partie signer un engagement à suivre les dispositifs du pôle-emploi mis en place par le Conseil général du département afin de l’aider à trouver un travail.

Le financement sera assuré par les budgets de l’État et des Conseils généraux auparavant consacrés au RMI, à l’API (allocation de parent isolé) et à la prime de retour à l’emploi (PRE). Le surcoût sera couvert par une augmentation de la taxe sur les revenus engendrés par le capital. 

Commentaire conclusif

Nous serions bien indignes de fermer les yeux sur les souffrances augmentées par la crise économique. La France a les dépenses publiques les plus élevées d'Europe en proportion du PIB, donc la redistribution sociale la plus forte. Notre pays a pourtant le plus fort taux de chômage de la zone euro.

La résistance aux changements n’est pas innocente de la misère sociale. La bonne stratégie n'est pas dans l’enfermement du chacun pour soi. Mais sans doute dans la remise à plat de l'Etat social pour faire face aux nouvelles souffrances que la mondialisation et la crise économique provoquent. Voilà bien une idée que la gauche française a oubliée. Pas Martin Hirsch, dont c’est la famille. Lequel met en place une nouvelle conception des prestations sociales. Comment ? Les solutions s’alimentent aux idées reprises par Tony Blair.

Depuis vingt ans, les ministres justifient leur fonction en apportant leur pierre au grotesque édifice de l'aide sociale, se justifiant des milliards investis qui partent en fumée. Quid des résultats ?

Les pauvres ont changé. Les pauvres sont aujourd'hui plutôt des exclus du travail ou simplement des gens qui travaillent trop peu (souvent des femmes et des jeunes). La difficulté d’accueillir ce monde vient du retard de la réflexion par rapport à l’avancée de la technique et des modes de travail. On fonctionne avec des représentations déjà dépassées. Les anciens systèmes d'allocations fonctionnaient pour les pauvres d'hier, aujourd'hui ces systèmes enferment les pauvres dans des "chausse-trappes" : la perte des allocations au moment de la reprise du travail les condamnent à croupir à la maison. Martin Hirsch permet que son projet garantisse un gain à quiconque reprend un travail. Son objectif ? Réduire d'un tiers le nombre des pauvres en France, soit 7,1 millions de personnes, en cinq ans. Le défi social ne porte plus sur les couvertures de ceux qui ont un emploi (protégé par la fonction publique), mais sur les difficultés du retour au travail. Là sont les misères post-industrielles, les conséquences d’une vie de couple qui se désagrège, l’augmentation délibérée du prix des locations, le rapport des femmes au travail et l'échec scolaire des enfants... Si l'État se veut "providence" c'est sur ces thèmes qu'il pourra se construire.

 

Gérard LEROY, le 21 décembre 2008