Quand Rome n'est plus dans Rome : l'installation des papes à Avignon

Pour Catherine Duquesne et Isabelle Labatie, en hommage amical

   Voilà deux siècles que la haine fait rage à Florence. Deux factions se disputent le trône du saint Empire romain germanique : les aristocrates gibelins dont le chef est l’Empereur, contre les princes de Florence, et les guelfes, dont le chef spirituel est le pape et le chef militaire le roi de Sicile. Les rivalités sévissent partout, y compris dans les familles où se forment des clans qui s’entre-déchirent. Le monde, quoi !

L’ex-archevêque de Bordeaux devenu pape Clément V (1305-1314), fuit l’Italie en 1309. Pour débarquer en Avignon. Il est logé au couvent des dominicains, puis à Chateauneuf.
Il mourra en 1314, comme l’a prédit le Maître des Templiers, Jacques de Molay.

   Philippe le Bel est mort, la même année. Son fils, le roi Louis X, dit Le Hutin, lui succède et meurt deux ans plus tard, en 1316. Depuis 2 ans l’église est sans pape.

  Le comte de Poitiers, Philippe, frère de Louis le défunt roi, parcourt le Lyonnais, dans le but de rassembler les cardinaux qui ne parviennent pas à se décider pour trouver un successeur au pape Clément. Trois partis de cardinaux s’affrontent, qui embrouillent le conclave depuis deux ans. Le parti gascon, le plus nombreux, mais n’atteignant pas la majorité requise des deux tiers, est divisé. Les dix cardinaux gascons qui se chamaillent la prévalence, mais se trouvent unis pour le maintien du siège pontifical à Avignon. Le parti des Italiens qui compte huit cardinaux, tous déterminés pour un retour de la papauté à Rome. Le parti provençal enfin, composé de six cardinaux remuants, compte dans ses rangs un quercynois de Cahors, Jacques Duèze, évêque d’Avignon en 1310.

   L’élection d’un pape est nécessaire au royaume et à son roi. La taxe royale qui porte sur les bénéfices ecclésiastiques ne peut être encaissée tant que l’Église manque d’un pape ! Et le Trésor s’en ressent d’autant plus que la gestion de Louis X avait été désastreuse.

L’attente n’a que trop duré. Philippe de Poitiers décide alors de faire clore les portes de Lyon. Ce matin-là, qui inaugure une belle journée de l'été 1316, tous ceux qui avaient quelque affaire en ville se voient refoulés par les gardes royaux. Tous ceux qui voudraient en sortir sont retenus : “Ordre du comte de Poitiers !”. Comme on dirait : “Ordre du roi !” Philippe de Poitiers mobilise sept cent hommes d’armes, pas moins, avec mission de maintenir tous les cardinaux en ville, sans laisser s'en échapper un seul. Dans le même temps, il multiplie les entretiens avec ce Duèze qui lui paraît le plus apte à conduire les affaires de la chrétienté, et apte de surcroît à fournir au royaume de France les meilleures garanties au Trésor royal.

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