Pour Aymeric Janier, en hommage amical
Amélie Oudéa-Castera, la nouvelle ministre de l’éducation, a provoqué une vive polémique sur la scolarisation de ses enfants dans l’établissement privé Stanislas, « élitiste et conservatrice du 6e arrondissement ». La nouvelle ministre a cru devoir expliquer son choix.
Il est une certaine presse qui aime à traverser en courant la salle à manger pour nous révéler l’odeur des toilettes qu’elle est allé humer. C’était le cas de Mediapart. Il semble que le journal Le Monde du 13 / 1 / 24 ait pris la même posture sous la plume d’ Eléa Pommiers. Ces gens ne se sont pourtant pas dressés contre l’inscription à l’École Stanislas de Marcel Sembat, de François Baroin, de Claude Cheysson, d’Alain Savary ou de Charles de Gaulle. Quelques uns d’entre eux taisent l’intégration de leur enfants à l’École alsacienne, dite « élitiste et bobo », où l’on a pu côtoyer Jean-Paul Belmondo, Elisabeth Badinter, Arnaud Montebourg, Carlos, Isabelle Huppert, Thierry Breton, Agnès Buzyn, Michel Rocard, Léa Salamé, Michel Boujenah, Lambert Wilson... Gabriel Attal.
La sensibilité culturelle d’aujourd’hui, sécularisée, tend à reléguer le catholicisme au rang des anachronismes, au point que le catholique se sente parfois aussi peu à l’aise qu’un escargot dans le désert !
Ça n’est pas nouveau. Au début de leur histoire, les chrétiens faisaient irruption dans un monde peu préparé à entendre que les hommes sont égaux en dignité, que le talent n’a d’importance qu’au niveau de son usage et non à celui du statut social qui le détermine, que la liberté et la justice sont au principe de la morale. Il n’est pas un seul va-t-en-guerre, qu’il soit du RN ou de LFI, qui soit aussi couillu, loin s’en faut, que les chrétiens de l’ère apostolique.
L’école catholique est catholique en ce qu’elle adhère aux principes d’un projet éducatif qui s’articule en référence à une transcendance révélée dans l’histoire, garante du sens de l’existence du monde de l’expérience que nous partageons. L’école catholique se donne la tâche de promouvoir les valeurs morales qui découlent de ces principes que le nihilisme d’aujourd’hui récuse. L’esprit évangélique de charité et de liberté sous-tend son enseignement qui prodigue une connaissance graduelle du monde et forge une personnalité illuminée par la foi. En cela l’école catholique se démarque de tout système d’éducation d’inspiration rationaliste professant une morale sans transcendance ni référence à aucun absolu. En cela l’école catholique ne peut qu’approuver l’esprit insufflé à la loi de 1905 par le sage Aristide Briand qui donne à la laïcité de constituer un cadre juridique destiné à préserver la liberté de conscience dans un État où coexistent plusieurs familles d’esprit. C’est l’esprit de cette loi qu’a repris la Convention européenne des Droits de l’Homme.
L’enseignement catholique dispose d’une liberté que lui octroie précisément la laïcité au sens que lui donne la loi de 1905, en ce que notre Constitution qui en découle assigne à l’État de se placer sous le signe de l’abstention. L’État n'a en effet pas de religion. L’état « ne croit pas ». L’État « ne pense pas ». L’État n'est ni religieux ni athée. Nous sommes ici en présence d'un agnosticisme institutionnel.
À la laïcité d’abstention de l’État s’ajoute la laïcité dynamique de la société civile. Une société pluraliste comme la nôtre repose sur la cohésion sociale qui s’établit à la fois sur un consensus et sur l'acceptation des différences difficilement solubles. Il y a un art de traiter ces différents, par la reconnaissance du caractère raisonnable des partis en présence, le respect des points de vue opposés, la dignité des personnes qui les conduit à s’ouvrir à l’argument d’autrui, à entendre et s’apprêter à comprendre la plausibilité des arguments invoqués de part et d’autre.
Le projet d’une école catholique est de développer les dimensions intellectuelle, morale mais aussi spirituelle de l’homme, projet que les sectarismes ont édulcoré, faisant passer à la trappe la dimension spirituelle qui fait tant défaut à notre monde d’aujourd’hui.
C’est au cœur de cette société caractérisée par ce phénomène social important qu’est la pluralité culturelle et confessionnelle que vont avoir à se mouvoir demain les jeunes gens qu’il faut instruire et éduquer aujourd’hui. L’éducation n’est pas uniquement destinée au marché du travail. Elle comprend l’apprentissage au dialogue, sert à la qualité du lien social, à la transmission du savoir, à la qualité éthique d’une société changeante. Il serait stupide, dans cette perspective, d’écarter le facteur religieux de l’intelligibilité géopolitique, rendue complexe par l’instrumentalisation de la religion.
Gérard Leroy, le 17 janvier 2024