Pour Marie et Edwige, mes filles chéries

   C’est le tour de force du pape François, dans l’encyclique Laudato si’, de faire la synthèse de toutes les pensées “vertes”  déversées depuis un demi-siècle. 

En parlant de “conversion écologique”, l’encyclique offre une visibilité et une autorité sans précédent aux idées écologistes et altermondialistes. Elle fait grincer des dents les conservateurs américains, comme la Tea Party de Sarah Palin, elle favorise la jonction entre les milieux politiques et intellectuels qui s’ignorent depuis des lustres, elle re-stimule la foi en l’humanité.

Le défi qui nous est lancé passe par la prise de conscience de la solidarité à l’échelle mondiale. La réforme du système économique qui prend l’eau n’est pas l’exclusive de nos efforts. Il y a la lutte pour les droits de l’homme dans les pays émergents, comme il y a la lutte pour la défense des droits de la Terre. Le théologien allemand J. Moltmann a même parlé d’une justice écologique.

Les pouvoirs de la science nous ont ouvert des voies insoupçonnées il y a un demi-siècle, mais qui ne sont pas sans danger. La question clé c’est la maîtrise rationnelle de l’homme. Comment prévenir les effets pervers de ce que nous expérimentons aujourd’hui comme progrès (n'est-ce pas Marie) ? Comment faire que la terre soit encore habitable par les générations futures ? Dans son Principe de responsabilité J. Habermas nous convoque. C’est toute la question de l’auto-limitation du pouvoir humain qui se pose.

Face à l’éventualité d’un chaos écologique d’ordre planétaire, une théologie de la création devient plus urgente, en ce qu’elle peut donner un fondement radical à notre confiance dans l’avenir, dans la vie, dans l’être humain. Les monothéismes partagent la même foi au Dieu créateur avec la certitude que le Dessein de Dieu c’est la réussite de l’accomplissement de la vocation de l’homme-image-de-Dieu comme intendant du monde qui lui a été confié. 

Les libertés humaines se mobiliseront-elles pour inverser le cours fatal des choses ? Elles sont en tout cas sensibilisées par cette encyclique. Les altermondialistes proclament qu’ « un autre monde est possible » ; Edgar Morin déclare même que l’improbable reste possible. La foi chrétienne nous assure que l’homme est responsable, en tant que co-partenaire de Dieu dans le dessein qu’il a pour le monde, qui ne peut s’accomplir ni sans Dieu ni sans l’homme. 

Dans la fidélité à la tradition biblique, nous nous devons d’être des instances de sagesse. De même que Dieu s’est reposé le septième jour, l’homme du troisième millénaire doit découvrir le secret d’une sagesse sabbatique, au-delà du vertige que lui procure son activité démiurgique. Il a à redécouvrir le silence, l’émerveillement devant le monde, la louange. 

Le pape François rappelle que le dimanche, jour de la résurrection, est le premier jour, jour de loisir et de fête qui annonce le repos de l’homme en Dieu. L’homme d’aujourd’hui tend à réduire le repos contemplatif au domaine de l’improductif, de l’inutile, en oubliant que de cette façon il retire à l’œuvre qu’il réalise son sens. 

Le pape nous engage à être protecteurs du monde, et non des prédateurs, pour que nous semions la beauté et non la pollution ni la destruction ; nous avons à découvrir la valeur de chaque chose, à contempler, à nous émerveiller, à reconnaître que nous sommes profondément unis à toutes les créatures. Que Dieu nous guide dans cet apprentissage.

 

Gérard Leroy, le 18 mai 2019