Pour Danielle et Jean-Pierre Janier, en hommage amical
Le grand mérite du livre Dieu la science les preuves paru l’an dernier (1) c’est de nous proposer tout un parcours historique mettant en lumière le fait que, suite aux progrès scientifiques du 19e puis du XXe siècle, des courants scientistes ont surgi selon lesquels la science est la seule source fiable de savoir sur le monde. Cette attitude s'est trouvée largement remise en cause et questionnée par l'évolution même des découvertes scientifiques.
L’ouvrage passe en revue les avancées qui ont introduit de la complexité, de l’incomplétude dans la démarche scientifique, que ce soit en thermodynamique, en mécanique quantique, ou encore en science de la nature, ou selon le principe anthropique en astrophysique.
Le scientisme pur et dur triomphant du début du XXe siècle est aujourd’hui contesté. On se place désormais devant une nouvelle approche de l'objet scientifique : c’est un objet que l'on n’étudie pas en soi mais dans ses relations, ses interactions avec les autres objets, et aussi avec le sujet qui étudie.
Dans la complexité d’aujourd’hui, il y a donc de l'incertitude mais cela ne signifie pas pour autant que la science est dé-légitimée. Simplement cette incomplétude est aujourd’hui reconnue comme la condition même de l'exercice du scientifique. De ce fait, une vision totalement matérialiste est difficile à tenir. En ce sens l'idée promue par le livre est que les découvertes récentes nous questionnent sur le fond des choses.
Doit-on voir dans cette faille les preuves de l'existence de Dieu ? Tout ce qui est est, tout ce qui n’est pas n’est pas. Tout ce qui est et n’est pas par soi est par un autre. Le principe d’identité aristotélicien sur lequel s’appuie l’ouvrage prouverait qu'il y aurait « derrière les choses » un Dieu qui aurait ajusté les mécanismes du cosmos et du Vivant. Le Dieu de Jésus-Christ en vient à être un « grand horloger » de l’univers.
Au fond, ce questionnement de la science actuelle permet de relancer le dialogue entre foi et science. Mais ce dialogue doit prendre garde à bien articuler ces domaines et non les confondre. La création au sens biblique et l’évolution au sens Darwinien ne se situent pas sur le même plan.
Dieu fait être tout ce qui existe. « Dieu fait les choses se faire. » disait le P. Teilhard de Chardin. Dieu n’utilise pas un tournevis. Il offre. Il offre une autonomie aux créatures qui poursuivent la création. Dieu n'est ni le fabricant ni le Grand horloger. Il créé dans un amour gratuit.
Dans son encyclique Fides et ratio Jean-Paul II met bien en évidence ces différents niveaux. Il est vrai qu’on peut regretter la tendance de notre société à séparer de manière étanche le domaine de la foi et celui de la science. C'est une tendance qui touche d'ailleurs les catholiques eux-mêmes : on est croyant dans l’église, scientifique dans son laboratoire. C’est faire preuve de fidéisme et je comprends que le livre veuille lutter contre cela dans une société qui se méfie du religieux. Méfions-nous de la concordance qui ramène la science à Dieu, comme du fidéisme selon lequel la raison ne nous apprend rien sur la nature vraie des choses. Dieu n'est pas un fabricant, c'est un dieu de l'alliance qui a créé un monde que les créatures sont appelées à gérer. Comme le dit joliment Basile de Césarée : " Dieu a permis à l'homme d’entrer dans l'atelier de la création divine." Mais il est différent d'une sorte d'intelligence supérieure qui conduirait inéluctablement le paquebot de l'univers et de l’humanité. Il s’agit de l'intelligence de l'amour et du don gratuit qui inspire cette évolution. C'est tout le risque de la foi et de la liberté qu’elle donne.
La science ne prouve pas l'inexistence de Dieu et en cela le livre a raison. Et la science ne prouve pas plus l'existence de Dieu.
Car Dieu n’ « existe » pas : Il est. « Suréminence inobjectivable ».
Gérard Leroy, le 29 septembre 2023
(1) J.Y. Bolloré et Olivier Bonnassies, Dieu, la science, les preuves, ed. Trédaniel, 2022.