Pour Patrick Valdrini, en hommage amical

   Plus d’un demi-siècle après le Concile Vatican II où en est-on ?

La réforme Vatican II est loin d’être achevée. Il semble même qu’en certains endroits le cléricalisme se renforce. Autant dire que la réception de Vatican II n’est pas close.

On ne peut nier que le concile ait été une véritable rupture pratique vis-à-vis de l’Église au seuil du pontificat de Pie XII. Il y a incontestablement une herméneutique de la continuité car si Vatican II s’inscrit dans la tradition des conciles œcuméniques, il y a cependant une rupture d’ordre théologique et conséquemment liturgique vis-à-vis de la période dominante qui courait depuis le concile de Trente. S. Jean XXIII disait qu’il voulait « redonner une bouffée d’air frais à l’Église », l’effet voulu a été le renforcement du lien avec les premiers siècles de l’église apostolique. L’Évangile réapparait au premier plan. Les Pères réforment la liturgie pour l’adapter au monde moderne, ce qui dérange ceux qui semblent plus attachés à la tradition qu’à la Révélation. Le concile a re-dynamisé le mouvement œcuménique, appelant tous les chrétiens à l’unité voulue par Dieu. Le christianisme doit servir l’unité autant que l’universalité de l’Église.

Nous n’en avons pas fini d’exploiter les potentialités de Vatican II. Ne serait-ce qu’au niveau des relations entre l’Église et l’État, la question de la liberté religieuse, celle des religions non-chrétiennes, celle du rôle des conférences épiscopales face au centralisme romain... Dans un monde de sept milliards d’habitants, où les catholiques représentent plus d’un milliard d’individus, comment penser la gouvernance de l’Église telle qu’elle fonctionne aujourd’hui, à savoir l’autorité souveraine du pape et de la curie romaine ?

Il conviendrait d’exercer le concept de subsidiarité des Églises continentales, de l’exercer sans négliger la responsabilité du paroissien laïc. On peut aussi s’interroger sur les synodes romains afin de savoir s’ils représentent réellement ce qui se passe sur le terrain. L’exhortation finale du pape proposée quelque deux ans après le synode me semble une pratique à améliorer, ne serait-ce qu’au niveau des interventions les plus significatives des évêques. J’ajouterai ma surprise quant à l’attention portée au schisme avec la Fraternité Saint-Pie-X. Quel est l’impact réel de ce schisme sur l’Église universelle ? N’y a-t-il pas des questions plus urgentes comme celle de la liberté des jeunes Églises non-occidentales ?

On peut cependant noter un certain optimiste sur l’avenir de l’Église dans le monde contemporain. Comme la constitution conciliaire Lumen Gentium le disait, l’Église demeure «le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain» (LG I, 1). Elle représente un énorme potentiel au service du vivre-ensemble des hommes. Pourtant, elle doit encore renoncer à la tentation du pouvoir direct sur les sociétés et les États sans devenir ipso facto marginale. Le but de la mission de l’Église n’est pas de grossir les rangs, mais de témoigner du Christ au matin de Pâques, de participer à l’avènement du Royaume de Dieu en reproduisant les gestes de l’Évangile selon l’esprit de Jésus.

Gérard Leroy, le 16 septembre 2021