Pour Monique Trilles, en hommage amical

   Il faut imaginer le forum de Jérusalem un jour de Pentecôte, dans l’antiquité. La foule composite grouille dès le point du jour. Tous sont venus, de partout, vendre leurs œufs, leurs poulets, quelques bottes de céleris, leurs épices, ou bien encore leurs œuvres artisanales confectionnées de bric et de broc. On crie, on s’interpelle, on commerce, on s’agglutine autour d’estrades dressées à la hâte sur lesquelles sont juchés des bonimenteurs venus raconter leurs rêves, leur philosophie, leur religion. C’est que ce rassemblement n’est pas ordinaire. Si depuis des siècles la pentecôte était la fête de la moisson des blés, depuis le retour d’Égypte on y a associé la commémoration du don de la Torah au Sinaï. Et l’on respecte toujours le temps qui sépare cette commémoration de la fête de Pâques qui se rapporte désormais à la sortie d’Égypte et au passage de la Mer des Roseaux,  7 semaines plus tôt exactement. 

Après la mort et la Résurrection de Jésus, la Pentecôte attire toujours autant de monde.

On vient de partout. Les apôtres, à la façon des bonimenteurs, s’adressent à la foule, à tous ces gens venus d’Egypte, de Libye, de Rome, de Mésopotamie, de Cappadoce etc. Les apôtres leur parlent en grec, en hébreu ou en araméen, c’est-à-dire dans leur langue à eux. Et voilà que chacun, venu de Césarée, d’Antioche, de Constantinople ou de Carthage, comprend ce que disent les apôtres, chacun dans sa propre langue. Ils n’ont pourtant pas fait l’École Berlitz ! 

À l’inverse des gens de Babel qui cherchaient à réaliser l’unité sans Dieu, au jour de la fête de Pentecôte c’est l’initiative divine qui rassemble. L’unité s’opère.  La diversité reste intacte. 

Que disent les apôtres ? “Savez-vous, vous tous qui êtes là, ce qui vient de se passer, au cours de la semaine de préparation de la Pâque, à Jérusalem ?” 

Les apôtres se lancent dans une opération qu’ils étaient à cent lieues d’imaginer quelques années plus tôt. Tout ce qui s’était passé les dépassait. Ils avaient même été, un moment, paralysés par la crainte. Les voilà soudain envoyés en mission, depuis que le Christ ressuscité leur a dit : “Allez, faites de toutes les nations des disciples, baptisez-les au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et enseignez-leur à garder tout ce que je vous ai prescrit. Et voici, je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde” (Mt 28, 19-20).

L’Église vient de naître. Dans cette contrée reculée du Moyen-Orient. Elle n’est pourtant liée à aucune communauté particulière. Elle est “catholique”. Aucun pays, aucune culture, aucun groupe humain ne phagocyte ou ne peut relativiser cette Église dont le caractère universel a le primat sur tout ce qui s’y rattache. L’universalité de l’Église est celle de l’Esprit Saint. L’Église est pour tous ! Depuis ce jour de la Pentecôte où chacun a compris  dans sa langue propre ce qui s’adressait au monde entier.

Dans l’Église universelle chaque culture peut se retrouver. À la Pentecôte, l’Esprit Saint est descendu sur les apôtres, puis par eux sur les peuples que les apôtres et leurs successeurs ont enseignés. L’Église est apostolique parce que, envoyée par le Christ, elle opère à la manière des apôtres, elle s’érige sur leur foi.

L’Église fait confiance. Parce que tout ce qu’elle est, elle le doit au Christ qui l’a fondée, à l’Esprit qui la guide, au Père vers qui elle va.

 

Gérard LEROY, le 22 mai 2015