Pour Ghaleb Bencheikh, en hommage amical

   Ça n’est pas une raison pour démissionner. Ça n’a pas été plus compliqué d’apprendre les chefs-lieux de canton, la table de multiplication ou les noms des bâtards des rois de France, de nager là-dedans, et en latin chez les jésuites ! 

La problématique de la paix au Moyen-Orient gravite autour des peurs, des méconnaissances mutuelles, des perceptions erronées des réalités en jeu : historiques, culturelles…religieuses. Nous n’avons pas affaire à une guerre de religions. Dans ces pays, c’est la démocratie qui est le pire ennemi. Nous devons comprendre que le concept d'élection est en effet très étrange aux traditions construites sur la palabre et la cooptation. 

L'ignorance des civilisations et des cultures m’apparaît être la cause de l'impréparation à la compréhension de cette situation. Il convient donc de prendre en considération l’éducation, qui n’est pas uniquement destinée au marché du travail, mais qui peut servir aussi à la qualité du lien social, à la transmission du savoir, à la qualité morale de la société. 

Nous avons à ré-orienter l’école non seulement vers l’adaptation à la société présente, mais vers un apprentissage au dialogue qui aboutit souvent aux vociférations nourries de certitudes infondées. Il ne suffit pas de brailler des slogans, en attendant que nous soit dicté l’avenir ; il nous faut aller au-delà de soi, s’ouvrir, mettre en communication les hommes et leurs cultures. Il nous faut interpeller et confondre la stupide volonté d’écarter le facteur religieux de l’intelligibilité géopolitique.

Trois remarques face à la modernité 

La modernité est toujours associée à un Occident colonialiste, matérialiste et hédoniste. De sorte qu’un fossé se creuse entre la plupart des sociétés musulmanes et les sociétés consommatrices.

La révolution technique n’entraîne pas fatalement une stérilisation de la religion, à l’opposé de l’Occident où la sécularisation de la société a entraîné une sécularisation des consciences. L’avènement d’un état de droit a été fondé sur le contrat social et non sur un principe transcendant. Dès lors, le débat s’ouvre sur la possibilité de concilier l’Absolu de la vérité révélée et la raison critique de la modernité.

Enfin l’idée d’une instance herméneutique qui ne compromette pas le caractère sacré du Coran fait peur à l’islam traditionnel attaché à la sacralité de son Texte.

 

Conclusion 

 Les effets de la mondialisation devraient orienter les religions chrétienne et musulmanes effaçant les rivalités ancestrales. De sorte qu’elles pourraient prendre le cap vers une émulation réciproque dans la conscience d’une responsabilité historique commune au service de la communauté humaine. Les événements tragiques du 11 septembre et des suivants, devraient inciter l’islam à affirmer son identité véritable et se distinguer catégoriquement des dérives aberrantes de l’islamisme.

Le dialogue entre ces deux grandes religions est d’un enjeu considérable pour l’avenir de notre civilisation planétaire. À partir des ressources spirituelles de leurs Écritures et de leurs traditions, leur vocation historique commune est de travailler à l’humanisation de la mondialisation, sans craindre de brader leurs fois respectives. 

 

Gérard Leroy, 1 février 2020. Conclusion de la dernière conférence sur la géopolitique du Proche et du Moyen Orient, le 22 novembre 2019.