Pour Bernard Touchot, cardio en mission à Erbil

   Selon la Bible hébraïque, des séquences originaires de notre histoire se situent en Mésopotamie. Là s’y trouve son paradis terrestre, là s’y déverse le déluge, là s’érige la tour de Babel, et c’est en ce pays entre deux fleuves qu’aboutit la déportation du peuple hébreu, à Ninive (aujourd’hui Mossoul), puis à Babylone. Cette période de captivité sera à l'origine des prophéties de Daniel, de Jérémie, d’Ézéchiel, de Tobi et de Jonas dont le livre dit qu'il fallait trois jours pour traverser la plaine de Ninive.

Aujourd’hui, comme si la diaspora s’était installée lors de la libération de Cyrus en Mésopotamie, l’héritage juif reste considérable et omniprésent, en dépit de la minorité de juifs présents en Irak. Aussi, la volonté perspicace de préserver la tombe du prophète Galiléen Nahum à Alqosh, 45 kilomètres au nord de Mossoul, constitue bien plus qu'un clin d'œil de l’histoire. C'est aussi et surtout le témoignage incontestable de l'enracinement de l'identité juive au cœur de l'antique Mésopotamie. 

Nahum qui a vécu au VIIe siècle avant Jésus-Christ, est en effet connu dans l’Ancien Testament comme le septième des douze petits prophètes. On peut dire qu’il est presque contemporain de Amos, ou d’Osée. Son œuvre, le Livre de Nahum, eut un rayonnement immense, marquant profondément les peuples de Mésopotamie. Le récit annonce la prochaine destruction de Ninive, la plus grande cité du plus grand royaume de ce temps. À cela s’ajoute le chaos qui s’est encore une fois abattu sur Mossoul et la plaine de Ninive. 

Les ruines de Mossoul recèlent aujourd’hui encore les restes et les traces de la mémoire juive de la cité. 

La tradition paléo-chrétienne prétend que trois églises de Mossoul peuvent se glorifier d'avoir eu pour fondation une maison où les apôtres Pierre, Barthélemy et Thomas auraient séjourné. Selon un spécialiste dominicain, Mossoul est encore une métropole chrétienne, ce qu’atteste d'ailleurs l'ensemble de son histoire en dépit d'une actualité catastrophique.

En l’an 641 de notre ère, s’est produite la conquête musulmane de Mossoul. Les chrétiens devinrent alors des dhimmis, la dhimmitude désignant une minorité soumise au droit limité et aux devoirs contraignants due à leur appartenance confessionnelle. En 1743 les chrétiens participèrent activement à la défense de la ville contre le Perse Nâdir Shâh ce qui, en geste de reconnaissance, a favorisé la construction de nouvelles églises. Le XVIIIe siècle marqua l'ouverture des missions catholiques latines en Mésopotamie. Les capucins s’étaient déjà installés à Mossoul en 1636, les dominicains de la province de Rome arrivèrent en 1750, suivis de ceux de la province de France en 1859.

Entre 1915 et 1918 Mossoul connut les odieuses tueries du génocide des Arméniens et des Assyro-chaldéens par les Ottomans. 

Après la chute de Saddam Hussein en 2003 les persécutions antichrétiennes aboutirent à l'exode des chrétiens de Mossoul, avant la destruction de leur patrimoine lors de la bataille de Mossoul en 2017.

À moins de 100 kilomètres au nord de Mossoul se situe Erbil. Erbil, capitale de la région autonome du Kurdistan d’Irak, compte plus d'un million et demi d’habitants. Ancienne capitale du royaume assyrien d’Adiabène, ballottée entre les empires parthe, romain et arménien, Erbil est construite tout autour d’un promontoire original sur lequel se dresse la citadelle. Dès les premiers siècles de notre ère Erbil était connue pour avoir été un des foyers juifs de Mésopotamie. Devenue siège épiscopal, Erbil la chrétienne connut la conquête de l’islam. Originellement membres de l'Église de l’Orient les chrétiens d’Erbil passèrent à l'église chaldéenne essentiellement au XVIIIe siècle.

Aujourd’hui, et à rebours de l’histoire, Erbil est redevenue un pôle chrétien de première importance. La cité d’Ankawa, tout près d’Erbil, a en effet accueilli des dizaines de milliers de chrétiens venus de Bagdad, de Mossoul, de la plaine de Ninive et de Bassora, en raison des persécutions antichrétiennes commises par les groupes islamiques mafieux qui ont prospéré depuis 2003.

 

Gérard Leroy, le 7 mars 2020