Il existe une tension constitutive de la difficulté à établir une idée de philosophie de la religion. Cette tension surgit entre le mode d’apparaître, le phénomène perçu, spécifique et irréductible de l’existence religieuse, et « les lumières de la raison », dans leur tâche notamment critique, comme mode de construction de la vérité philosophique et dont la philosophie de la religion est l'héritière. 

Une telle tension ne débouche pas nécessairement sur une impasse. Elle pose les éléments de la tâche de la philosophie de la religion, qu’il est utile de découper en plusieurs morceaux en commençant par définir l'essence de la religion. Ici, la difficulté est de rendre compte de toutes les religions. Vient ensuite le problème du sens de la pluralité des religions et de leur succession dans l’histoire. Il y a celles qu’on appelle traditionnelles, distinctes de celles qu’on nomme « révélées », classification d’où surgit alors l’incontournable problème de la teneur de vérité des différentes religions. Quelle part de vérité véhiculent-elles ? On en vient alors à conclure sur « la quête d'une hypothétique “religion absolue” ». 

Telles sont les tâches qui se succèdent dans un travail défini de recherche philosophique sur la religion. 

Ces chantiers sont évidemment tributaires de l'histoire de la philosophie elle-même, en ce que la philosophie imprime des cadres épistémologiques spécifiques et successifs. Ces réflexions peuvent varier considérablement selon qu’elles se rattachent à une philosophie informée soit par la conscience critique soit par la conscience historique. 

Par ailleurs, dans l'organisation de ces chantiers, la philosophie rencontre également des interlocuteurs extérieurs avec lesquels elle a à dialoguer : c'est un des signes de la modernité propre à l'invention de la philosophie de la religion que ce schéma triangulaire qui relie philosophie de la religion, théologie et sciences du religieux. 

Enfin, comme sous l’effet d’une réciprocité, c’est au devenir de la religion qu’est liée l'évolution de la philosophie de la religion et, autre nouveauté qu’on ne peut plus ignorer, le phénomène de la sécularisation. Ce lien substantiel entre philosophie de la religion et sécularisation se trouve sommé d'interroger le présent de la religion. Travail donc d'historien de la philosophie, mais également de philosophe, et de philosophe de la religion en particulier qui pense la nature problématique de la question en regard de l'intelligence du fait religieux dans la modernité, c’est-à-dire depuis le XVIIIe siècle.

 

Gérard LEROY, le 4 janvier 2019