Pour Anne Saccalais, en hommage amical

 Les routes tortueuses de la montagne débouchent sur une longue éminence qui domine la ville où se dresse la silhouette d’un château d'un autre âge. En s’approchant de ce joyau perse on s’arrête aux pied d’une ziggurat, de la période élamite. Une ziggurat, en akkadien, est une « maison d’élévation ». Au 4e millénaire une ziggurat fait partie des édifices cultuels en Mésopotamie. Son nom, en sumérien « E-témen-an-ki », la révèle comme le centre du monde, « Temple du fondement du ciel et de la terre ». Elle se présente comme une tour à étages, surmontée d’une chapelle où le dieu Mardouk est censé descendre. Elle s’élève au centre d’une grande cour dont les murs, longés par une voie tracée pour les processions, sont percés de douze portes. Faite de briques séchées, maintenues par un coffrage de briques cuites, sa base carrée mesure plus de 90 mètres de côté. Il semble assuré que la ziggurat compte sept étages, le dernier supportant un petit temple qui, d’après les inscriptions de Nabuchodonosor, est revêtu de briques émaillées bleues. La hauteur totale peut atteindre 90 mètres. Celle de Suse a une fonction essentiellement religieuse.

Ces temples à étages étaient le modèle du bateau sauveur du déluge dans les récits babyloniens (cf. SDB VI, 595). Les ziggurats sont le prétexte pour esquisser les prétentions des chefs mésopotamiens à un empire universel au nom de leur dieu.

Le prophète Daniel

À Suse subsiste le tombeau du prophète Daniel, dont le Livre raconte la conversion de Nabuchodonosor (ch 4), l’indifférence des lions auxquels l'ont fait jeter les conseillers Chaldéens de Darius, jaloux de Daniel qui a « en lui l’esprit des dieux saints », et dont l’histoire relate la fidélité des Juifs au Vrai Dieu, ne craignant pas d’être jetés dans la fournaise plutôt que de céder à l’idolâtrie (ch 3).

Suse s’enorgueillit de posséder ses reliques aujourd’hui rassemblées près de ce tombeau abrité par un fastueux mausolée.

Hammurabi, Roi de Babylone

À Suse, en 1902, on a découvert un code de lois. Ce code a été écrit vers 1750 av J.-C. sur un bloc de basalte par Hammurabi, sixième roi de Babylone.

Le Code de Hammurabi est transcrit sur une stèle placée au milieu d'une place de Babylone, pour que tout le monde puisse la lire. Le Code contient 282 articles, en akkadien. Chaque délit reçoit sa propre sanction, avec de nombreux châtiments tels que la mort, la défiguration ou l'application de la Loi du talion.

Volée par les Élamites la stèle est transportée dans leur capitale, Suse ; elle est depuis exposée au Louvre.

Hammurabi, qui a étendu son empire en Haute Mésopotamie parvenant à unir le pays, a entrepris une série de travaux publics importants. Ses lettres montrent la difficulté à gouverner un empire, à faire face aux inondations et aux modifications d'un calendrier imparfait, et à prendre soin des énormes troupeaux de bétail de Babylone.

Darius le Grand

À l’ouest de l’Iran, la capitale de l’Élam pendant des siècles a connu des fortunes diverses. Suse a été absorbée par le roi assyrien Assurbanipal en 646 BC, puis reprise en 540 BC par le roi Achéménide Cyrus II, pour devenir la capitale de Darius le Grand, de Xerxès et des Achéménides, maîtres du monde de 559 à 330 BC. La ville comptait, en ce temps-là, quelques centaines d’habitants. Aujourd’hui, ses 30000 âmes vivent de la culture de la canne à sucre et du tourisme.

Une mission française y a découvert au XXe s. le palais du Roi Darius Ier. Darius le Grand est le deuxième roi achéménide succédant à Cyrus II, libérateur des Juifs de l’exil en 537 BC. Darius précéde Xerxès (486-465), époux d’Esther à laquelle est consacré un Livre de l’Ancien Testament.

Darius a été élu grâce à une ruse : des princes candidats à la conduite du royaume sont rassemblés sur la place, chacun juché sur sa monture. L’élu sera celui dont le cheval hennira le premier. Un palefrenier à la solde de Darius approche une jument près de l’étalon de son maître. Le cheval hennit aussitôt. Darius est roi !

Le palais de Darius couvre 13 hectares, et en cela est comparable à celui de Persepolis. Les murs du Palais, au temps de son faste, sont revêtus de briques émaillées, avec des motifs en relief représentant des archers, des lions, des taureaux, des griffons etc. Le mur d’enceinte, en terre crue, s’élevait à environ 18 mètres. La grande porte, dont les vestiges ont été retrouvés en 1972, comprend en ses murs une salle centrale flanquée de petites salles latérales reliées par des escaliers. Sur la base des colonnes de cette monumentale porte on peut lire une inscription, en écriture cunéiforme qui a remplacé l’écriture cryptographique proto-élamique, en trois langues, perse, élamite, accadien, signée de Xerxès : « ceci est la Porte monumentale que mon père Darius a construite ».

Une statue du Roi, colossale, exécutée par des sculpteurs égyptiens, représente Darius. De part et d’autre de la base de la statue de Darius, sont figurées des représentations des 24 peuples de l’empire, parmi lesquels on peut voir un Perse, un Mède, un Élamite, un Sogdien etc, les bras levés comme portant le sol sur lequel marche le Roi. La maison du Roi s’étend à elle seule sur 4 hectares.

Esther inaugure, à Suse, la fête des Pourim

Le livre d’Esther reflète bien la connaissance de la topographie, de la chronologie et de l’administration de Suse.

Le Livre raconte qu’Esther a un cousin, Mardochée, juif établi à Suse attaché à la cour du roi Xerxès I (486-465 av J.-C.), décrit comme despote jouisseur par son successeur Artaxerxès. Une première épouse répudiée par Xerxès ouvre la voie à la jeune juive Esther qui devient reine de Perse à son tour.

Mardochée, devenu tuteur d’Esther, se révolte contre le sort fait aux Juifs. Il transgresse la loi en se tenant devant la grande porte du Palais pour être reçu par le Roi sans avoir été convoqué. Autorisé à entrer, il révèle au Roi un complot contre sa vie. L’oppresseur des juifs, Haman, sera pendu (Est 9, 24), et le peuple juif sera rétabli dans les 127 provinces du royaume (Est 8,9). On organise alors une fête grandiose, appelée Pourim ou « Destinées » (Est 9, 26), car elle marque un retournement du « Destin » du peuple juif, « le passage du tourment à la joie et du deuil à la fête » (Est 9, 22). Le Roi, ce jour-là, se pare de pourpre, de dentelles, de pierres précieuses. Les divans, d’or et d’argent, sont posés sur un pavé de jade, d’albâtre et de nacre (cf. Est 1, 6).

La fête des Pourim est maintenue, chaque année, le 14 Adar, correspondant au mois de février-mars. Elle donne lieu à des fêtes familiales, où l’on échange des cadeaux. On déroule le parchemin et chaque fidèle déclame le rouleau d’Esther.

Le festin de Xerxès a été peint par Rembrandt, Rubens ; Haendel a composé un Oratorio d’Esther, et Racine a écrit une tragédie, Esther, en 3 actes.

 

Gérard Leroy, le 8 avril 2021