Pour Jean-Claude Ghisgant, en hommage amical

      Il n’est guère d’écrivain ancien sur qui nous soyons mieux renseignés qu’Origène, grâce à Eusèbe de Césarée et à son “Histoire ecclésiastique”.

Né à Alexandrie en 185 d’une famille profondément chrétienne, Origène reçoit une solide formation religieuse autant que profane, qu’il complète à l’école d’un philosophe, Ammonius, le maître de Plotin. Origène acquiert là une érudition philosophique reconnue.

En Égypte, à l’aube de ce IIIe siècle Septime Sévère a repris de plus belle les persécutions contre les chrétiens. Le père d’Origène est arrêté. Son fougueux fils voudrait le rejoindre. Sa mère réussit à l’en empêcher, terrifiée à l’idée de perdre à la fois et son époux et son fils. Son père meurt en 202. Origène le remplace comme chef d’une famille qui compte sept enfants. 

Origène est un jeune homme que l’enseignement de Clément  d’Alexandrie, le premier lettré grec chrétien, a cultivé. Notre jeune homme se passionne pour l’Écriture. Il apprend l’hébreu, voyage, se renseigne, étudie, collecte les grandes traductions de la Bible existantes. Il y en a six, rassemblées en un ouvrage qu’on appelle les Hexaples, aujourd’hui disparu, mais dont saint Jérôme se servira pour établir la version latine de la Bible, la Vulgate. Origène commente les livres de l’Ancien Testament, le plus beau commentaire reconnu étant celui consacré au Cantique des Cantiques. 

Il enseigne aussi la littérature. L’évêque d’Alexandrie, Démétrius, lui confie alors la formation des catéchumènes. Origène programme un enseignement à partir de sa connaissance acquise des livres de l’Ancien Testament. La Parole de Dieu est centrale. Origène la conçoit comme une présence vivante. Le jeune maître attire les païens, des gnostiques et chercheurs de Dieu de tout poil. Qui suivent un cursus qui aboutit à l’étude de la Bible et à la théologie. À partir de 215, et à la demande d’un gnostique converti, Origène rédige son grand ouvrage : Traité des principes, véritable Somme avec une première partie consacrée à Dieu, une seconde au monde, une troisième à l’homme, une dernière à l’Écriture. Il établit sa dogmatique, sur trois niveaux d’interprétation : historique, mystique et morale. Thomas d’Aquin ne différera guère en établissant sa Somme sur le même mode (1).

Origène est aussi un ascète. Ascète et pauvre, il se fait, dit-il, “eunuque pour le royaume de Dieu.”

Il est apprécié pour sa disponibilité ; il accepte de donner des conférences bibliques aux évêques qui le lui demandent au cours d’un voyage qu’Origène effectue en Palestine. Mais un laïc peut-il prêcher ? Non. Ce qui d’ailleurs n’est pas du goût de l’évêque Démétrius. Alors Origène s’en retourne à Alexandrie et s’en tient à son enseignement. Mais lors d’un second voyage, en 230, les évêques, qui apprécient ses sermons, l’ordonnent prêtre. Dès lors il peut prêcher. Mais ça n’est encore une fois pas du goût de Démétrius; et lorsque Origène revient à Alexandrie, Démétrius le déchoit de son sacerdoce. Poursuivi par des opposants il doit fuir, se réfugiant à Césarée qui devient son port d’attache, où l’école qu’il fonde, du même type que celle qu’il dirigeait à Alexandrie, devient rapidement le plus brillant foyer intellectuel de la chrétienté. De là il se rend où on l’appelle en consultation, en Grèce ou en Arabie. 

 

Origène, en dépit des épreuves que lui feront subir ses opposants, conservera toute sa vie un authentique amour de l’Église, cité de Dieu sur terre, disait-il.

En 250 Dèce, le premier empereur originaire des Balkans, déclenche une nouvelle vague de persécutions en éliminant les plus zélés, avant d’être à son tour victime des Goths l’année suivante. Les évêques sont naturellement visés. Origène est arrêté, jeté en prison, torturé... libéré. Quatre ans plus tard, en 254, il mourra de fatigue, à Tyr.

 

Gérard LEROY, le 21 juin 2013

  1. une première partie de la Somme théologique de Thomas d'Aquin est consacrée à Dieu et à la création, une seconde aux actes humains en direction de Dieu, la morale, et la dernière au Christ, aux sacrements et à la Résurrection.