Pour Gilles et Béa, en hommage amical

   Les chrétiens seraient-ils invités à se calfeutrer sagement dans leur coin, sans dire mot ? C’est ce qu’on a été tenté de penser quand la vénérable institution qu’est la RATP a voulu gommer une mention à connotation chrétienne sur une affiche de son métro. Le christianisme est donc hors pub, hors média, et doit se tenir assez loin pour qu’on ne le voit pas. Il devient choquant même de l’évoquer. Cachez-vous, les chrétiens ! Vous n’avez rien à faire “au monde”. Même si certains d’entre vous se font décapiter au loin. 

La foi chrétienne semble devenir —redevenir ?— une absurdité, une sorte d’obscénité immontrable et dont la seule évocation serait un affront fait à ceux qui croient différemment ou qui ne croient rien. Comme si le fait d’exprimer sa foi revenait à violer la République, contrevenir à la laïcité, cette nouvelle religion qui perçoit toute religion comme une provocation. Le IIIe siècle serait-il de retour ?

Il reste chez les tenants de la prééminence de l’État un anticléricalisme latent, une méfiance séculaire envers le pouvoir excessif que pourraient avoir les religions. Ce ressentiment resurgit quand la visibilité des convictions religieuses s’accroît. Ou bien les ayatollahs de la laïcité ignorent

l’effet de leur posture ou bien ils s’en moquent, mais dans les deux cas ils font injure aux malheureux chrétiens qui se font tirer comme des lapins par les voyous, en Syrie, en Irak, au Mali, au Nigeria etc., tout simplement parce qu’ils sont chrétiens. 

Étaler ce mot “chrétien” sur des affiches énormes, en plein Paris, ne serait-ce pas incongru, déplacé, voire indécent ? Ou bien ne serait-ce pas évoquer les sources de notre civilisation et même de notre démocratie ? Voudrait-on effacer, d’un revers de main, les liens établis entre la religion chrétienne et les principes qui sous-tendent la République. Ignorerait-on que les “vertus” de liberté, d’égalité, de fraternité gravées sur les frontons de nos édifices publics sont nées d’une pensée chrétienne en opposition à la mentalité gréco-païenne de Rome ? 

Face aux surenchères laïcardes qui se sont récemment exprimées, il faudra bien admettre que la laïcité n’est pas une idéologie en soi, et qu’on ne peut pas la définir comme un athéisme militant. La laïcité est un cadre. Elle définit une obligation de neutralité bienveillante de l’État vis à vis des croyances et des convictions. Elle sauvegarde notre liberté, de religion, de conscience individuelle, d’expression de nos opinions. C’est même ce qu’on peut lire dans la Déclaration des Droits de l’Homme de 1789, à l’article 10 !

En attendant de retrouver cette conscience de la laïcité authentique, on s’entête à interdire des jupes trop longues ou des foulards au prétexte fallacieux et ridicule que ce sont des signes ostentatoires religieux, tandis  qu’on évite de regarder la croix pectorale qu’arbore Johnny à la façon d’un évêque, et la kippa dont n’a pas manqué de se recouvrir le Président de la République lors du grand raout du 11 janvier.

La France et ses contradictions...

 

Gérard LEROY, le 1er mai 2015