Cet opuscule pour le groupuscule de Jean-Marie à La Ferté-Macé, avec toute ma sympathie

   La Pentecôte est une fête. Qui donne joie. La joie a vocation à être partagée. Elle entraîne donc les chrétiens à rendre compte de la Résurrection au monde contemporain, à des gens que la vie ne gâte pas, que l’angoisse ronge, que les questions torturent. La Pentecôte envoie annoncer la Parole du Christ comme neuve. La nouveauté de cette Parole n’est pas une girouette offerte à tous les vents, à toutes les modes. Elle est ce qui offre une saveur unique à l’existence. 

Le lieu de l’Église est au pied du bois de la Croix. Vers elle coule alors le sang rédempteur, auquel, phénomène extraordinaire, se mêle l’eau, l’eau qui toujours est source, l’eau qui partout est vie. 

Vivre en Église c’est se retrousser les manches, partager la fragilité comme la force, par passion pour ce monde en lequel Dieu est venu et se tient. Vivre en Église c’est ne pas déserter l’essentiel compagnonnage d’humanité, avec tous les larrons que nous croisons, tous les centurions qui réclament des soins pour leur entourage, tous les publicains et les paumés, les riches enviés et les exclus envieux. Vivre en Église c’est annoncer l’Évangile duquel elle jaillit.

C’est une fausse conception que celle qui voudrait rapatrier l’Église dans le giron d’un de nos systèmes, qu’il soit démocratique, monarchique ou aristocratique. L’Église n’a pas été fondée par le génie de quelques bonshommes, ni l’enthousiasme d’une masse qui les aurait suivis. Personne n’a été consulté pour dire s’il lui convenait que l’Église fût. Nul n’était capable de la bâtir. Et elle ne tient

debout qu’en étant animée d’un moteur à l’écart de tout système de gouvernance humain. 

Quelle mission lui donne l’envoi de la Pentecôte ? Vatican II y répond : “L’Église est le moyen d’opérer une union intime avec Dieu et l’unité de tout le genre humain” (Lumen Gentium 1). Les conditions actuelles imposent à l’Église un devoir, à accomplir avec une urgence accrue : que la communauté humaine, unifiée par de multiples liens sociaux, culturels ou techniques, puisse atteindre également sa pleine unité dans le Christ (cf. Lumen Gentium 1).

Que faire d’autre d’abord sinon exister au milieu des autres. Autrement dit, éviter de se replier, éviter le ghetto. Communiquer, faire avec les autres, pour les autres. S’exprimer. Une foi muette est inféconde. La foi, comme la joie, a vocation à être partagée. Dialoguer. “Frères, dit l’apôtre, moi, Paul, je vous ai transmis ce que j’ai reçu de la tradition qui vient du Seigneur; la nuit même où il fut livré le Seigneur prit du pain...” (1). Paul témoigne. Le témoignage est missionnaire. La mission n’est pas le prosélytisme. Le dialogue doit se tenir dans le cadre du simple témoignage. "L’Église doit entrer en dialogue avec le monde dans lequel elle vit", disait Paul VI. L’Église se fait parole. L’Église se fait message. L’Église se fait “conversation.” (Ecclesiam suam, 67).

Le dialogue est recommandé à tout bout de champ aujourd’hui. Soit. Mais il ne s’agit pas d’échanger des banalités. On ne peut pas rester dans l’insignifiance, même par politesse. “L’Église est lieu de dialogue. Un charabia n’est pas dialogue“ a écrit justement Mgr Dubost.

L’Église est envoyée pour une mission que le Christ lui a confiée, pour prêcher la Parole et administrer les sacrements. “Allez, faites de toutes les nations des disciples, baptisez-les au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et enseignez-leur à garder tout ce que je vous ai prescrit. Et voici, je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde.” (2) . L’Église est une Église qui confesse sa foi. Avec les Pères, dans leur sillage, comme eux, de façon actualisée pour que la Parole soit transmise, fidèle à l’Écriture, soucieuse de répondre aux questions contingentes de l’heure. Les chrétiens croient que Christ est pour tous, les chrétiens sont convoqués dans le même temps par le Christ à participer au rayonnement universel de sa grâce.

L’Église est Catholique. Son existence n’est conséquence d’aucune communauté particulière. C’est ce que signifie l’adjectif “catholique”. Aucun pays, aucune culture, aucun groupe humain ne phagocyte ou ne relativise cette Église dont le caractère “catholique” a le primat sur tout ce qui s’y rattache. L’universalité de l’Église est celle de l’Esprit Saint. Le terme catholique veut dire “universel”. L’Église est pour tous ! Depuis le jour de la Pentecôte où elle a reçu son ordre de mission universelle, depuis le jour où chacun a compris dans sa langue propre ce qui s’adressait au monde entier.

L’Église est Apostolique. La logique de la raison grecque et le droit latin ont marqué l’Église à sa naissance et dans sa constitution. Il est clair que le message évangélique est imprégné de culture hellénistique, mais dans l’Église universelle chaque culture peut se retrouver. À l’image du rassemblement de la Pentecôte. Toute l’Église est apostolique parce qu’elle s’érige sur le fondement de l’expérience des apôtres.

L’Église fait confiance. Parce que tout ce qu’elle est elle le doit au Christ qui l’a fondée, à l’Esprit qui la guide, au Père vers qui elle va.

 

Gérard LEROY, le 12 mai 2016

(1) 1 Co, 11, 23

(2) Mt. 28,19-20 

(3) cf. Sous la dir. de Jean Daniélou, Message évangélique et culture hellénistique aux IIe et IIIe siècle, Desclée et Cie