Pour Jacques de Saint-Exupéry, en hommage amical

   En Israël, les démunis (orphelins, veuves, étrangers) mais aussi les serviteurs du Temple de Jérusalem, pouvaient compter sur le fruit d’un impôt que tout juif devait leur verser. Tous les trois ans chacun devait déposer sur le pas de sa porte la dîme de ses récoltes pour que les pauvres puissent s’en rassasier (Dt 14, 28-29). Toutes les préfectures de Salomon, soit les douze tribus d’Israël (Dan, Éphraïm, Manassé, Benjamin, Gad etc..) usent de ce système de redevances en nature. 

D’autre part, et ce dès le début du IXe siècle, chaque pays vassal apportait son tribut annuel au roi de Judée. En Égypte, comme dans les royaumes voisins, le roi peut lever la dîme sur les champs, les vignes et les troupeaux (1 Sam 8, 15-17). Le roi peut aussi abandonner cette redevance à ses officiers. Le roi paraît avoir eu un droit sur la première coupe des herbages (Am 7, 1 ; 8e s. BC). À Ugarit il y avait un droit de pacage, i.e. un "lot de nourriture végétale" consommé par un troupeau de bœufs, de chèvres ou de moutons.

Au VIe s. avant notre ère, Ézechiel (prophète qui a connu l’exil) fixait les redevances que le peuple du pays devrait au prince d’Israël, en froment, en orge, en huile, en bétail (Ez 45, 13-16) ; en revanche, le prince prenait en charge les sacrifices et les oblations de caractère public (Ez 45, 17). Pendant l’Exil le peuple juif a été éloigné de Jérusalem et de son temple et ces redevances rituelles furent suspendues. 

Les déportations s’étaient opérées opérés en trois fois, entre 597 et 582 (Jr 52). Quand, vers 537 avant notre ère, l’empereur perse achéménide Cyrus II libère les Judéens de l’exil, tous ne rentrent pas, préférant rester à Babylone, soit parce qu’ils y sont nés, soit parce que leurs affaires ont prospéré. Ces juifs, qui ont choisi de rester en Asie Mineure, seront plus tard fascinés par le modèle grec, se mettant à les copier, et adopter leur mode et leur esprit, apprenant leur langue, comme plus tard feront de même les humanistes de la Renaissance. Tant et si bien que ces gens, qu’on désigne sous le nom de diaspora juive, en oublieront leur hébreu... et leurs textes fondateurs qu’ils ne pourront relire qu’après que ces textes aient été traduits en grec, vers le IIe siècle avant Jésus-Christ.

Au retour de l’exil, c’est désormais la lecture de la Torah qui donnera son identité et sa cohésion au judaïsme naissant. L’exil n’est plus vécu comme une fin mais comme un nouveau départ à partir duquel se forge une nouvelle conscience communautaire articulée autour de la pratique religieuse ancestrale. Le peuple s’engage alors solennellement à verser au Temple un tiers de sicle par an. Le sicle est une ancienne unité de poids ainsi qu’une devise monétaire, correspondant à une quantité d’orge variable, de 7 grammes à 17 grammes, selon les époques et aussi les lieux.

Nous souviendrons-nous de tout cela en remplissant notre feuille d’impôts aujourd’hui ? 

 

Gérard LEROY, le 10 mars 2019