Pour Andrée Canovas, promesse tenue, en hommage amical

   Notre monde est malade. Pas seulement du coronavirus, mais l’état de notre civilisation, tel qu’il se révèle dans l’emballement de la mondialisation, est malade. En termes bibliques : c’est un signe des temps.

La Syrie est exsangue, l'Arabie Saoudite est en crise et s’endette, le Yemen est un champ de bataille, le Soudan se déchire entre un Sud pauvre, animiste et chrétien, et un Nord riche, musulman, qui refuse de rétrocéder la partie de puits de pétrole qui appartient au sud. L’Iran, Vatican chi’ite, toujours menacé par l’Irak, chi’ite mais arabe, a fortifié ses liens avec le Hezbollah, projeté cet arc, non pas chi’ite, mais Perse, et rêve d’un réveil de l’empire ! On est dans une pétaudière. Sans parler de l’Algérie, du Maroc, ou de la Libye et de la Somalie en jachère.

Le Moyen Orient ressemble à un bateau ivre. Le président des États-Unis décide arbitrairement de renier ses engagements d’hier. À la façon d’Hercule, D. Trump déploie sa force déloyale, ses tromperies, il ruse avec Atlas, et veut porter le monde, et se fait Prométhée. De l’autre côté, le communisme chinois se dresse contre l’instauration de la démocratie à Hong-Kong. La Russie, la Turquie dont le président se verrait bien à la tête d’un « califat islamique », et l’Iran se rapprochent du Moyen Orient pour contrebalancer l’alliance entre les États-Unis, l’Arabie Saoudite et Israël. Notre époque est machiavélique. Des empires répandent leur influence sur des régions sans craindre de recourir aux mensonges et à la violence. 

L’Europe aujourd’hui, se livre aux populismes, d’extrême droite et d’extrême gauche, qui exploitent sans vergogne la révolte des humiliés, et le rejet de confiance dans les élites traditionnelles.

En France, des jeunes errants, disponibles à l’ennui, que les parents absents ont abandonnés, se meuvent dans un univers qui se limite à des drogues, de l’alcool, de la musique à pleins tuyaux, des matinées à dormir, des nuits à marauder, en quête de baston, ou à fuir devant les rondes de police. Des vies sans futur. Des humains exilés de l’humain, de la culture, de la morale, du respect. Des jeunes à qui rien n’a été transmis, ni promis.

En France une gauche aspire à la fraternité, à la liberté, inséparables de l’opposition à l’exploitation, à la domination, à l’humiliation. Elle cultive l’idée du progrès humain, se préoccupe de la répartition des richesses, la droite de leur création. La droite est attachée à la nécessité de produire des richesses dont chacun aspire à profiter. La droite défend et promeut la liberté individuelle d’entreprise. La gauche ignore que le cœur de l’homme est plein d’ordures et capable du pire, et la droite ne sait pas qu’on peut parfois s’en tirer si l’on fait de bonnes lois, soucieuses d’une juste répartition.

Notre assemblée nationale se configure depuis le 11 septembre 1789, quand les représentants de la nation se sont disposés dans l’hémicycle par rapport à un veto royal qui les divisait. Il y a eu le parti de la restauration, le parti de la révolution, la France catho d’un côté, la laïque de l’autre etc. C’est depuis une sorte d’invariant de l’histoire de France. Cette division entre gauche et droite semble indécrottable, même si par moments, en 14 ou en 39, chaque fois que la patrie a été mise en danger, on a vu surgir une sorte de transcendance de cette dichotomie.

Le général de Gaulle disait que « la France n’est pas la droite, la France n’est pas la gauche. » Un nourrisson, c’est vrai, n’est pas d’abord de droite ou de gauche. Mais les Français sont vite conditionnés par les discours politiques. Cette irrépressible montée de rage nourrie du remous d’un capitalisme décadent, est entretenu par une Chine communiste qui se présente commun parangon de vertu, et s’apparente au pragmatisme américain de D. Trump. Aujourd’hui, en plein développement de l’ère scientifique, infectée de positivisme, peut surgir un retour de l’Indignation, de la Révolte, de l’Esprit, de Dieu, de l’Absolu, de l’Être. Indécence sacrilège ?

L’homme moderne est rétif à l’idée même d’une raison supérieure ; même nos autorités deviennent suspectes. Pas l’autorité de l’opinion ! Affranchie de la tradition et de la transcendance, l’homme d’aujourd’hui, « démocratique », pense comme tout le monde en croyant penser par lui-même. Il est bien au chaud, dans la doxa du jour.

L’homme moderne amorce cependant une révolte. Contre l’indolence laxiste, les convoitises débridées, la superficialité, l’argent, la consommation, l’étouffement de la morale, les robots. Comment vivre quand la fonction politique se délite, oublieuse du bien commun, qu’elle n’est plus que la greffière des décisions d’ordre économique, qu’elle reste préoccupée par les manigances politiciennes ? Comment vivre une vie digne quand les idées n’ont plus de valeur, quand le corps social est écartelé, apeuré, réduit au silence ? Comment a-t-on pu communier puis se fracturer en si peu de temps, de ND de Paris en feu à l’injonction faite aux policiers de se suicider ?

Comment ?

Et si ces scandales, ces orgies de destruction, n’étaient que l’écume malodorante qui précède et annonce un raz-de-marée bien plus fondamental…

 

Gérard Leroy, le 14 août 2020