Pour Michèle Lévy, que j’embrasse

   C’est par cette appellation qu’on désigne les chrétiens restés fidèles au long des siècles à la tradition originale de l'église apostolique assyrienne de l’Orient. On l’appelle communément « église de l’Orient » par opposition à « l'église d’Occident », « église d’Assyrie » ou « église de Mésopotamie » par identification de ses membres avec les grandes civilisations de l’Antiquité ; il fut un temps, court, pendant lequel on la désignait d’ « église nestorienne » par consentement avec la christologie du patriarche de Constantinople Nestorius déposé au concile d'Éphèse en 431.

À l’origine cette « église d’Assyrie » s’est érigée à Ctésiphon, au bord du Tigre, à 30 km au sud-est de Baghdad, que les Parthes (247-224 avant J.-C.), avaient fondée et où ses rois aimaient à y passer l’hiver.

Ctésiphon devint capitale de la Perse sous les Sassanides (224 BC- 652 AC). Au début du IVe siècle, la ville devint le siège du catholicos (un des primats de l’Église d’Orient). En 636, quatre ans seulement après la mort du prophète Mahomet, Ctésiphon tomba aux mains des musulmans qui envahirent la Perse.

Cette « église apostolique assyrienne de l’Orient », sous l’empire perse, a structuré son espace géopolitique et donné ses martyrs. Fondée, croit-on, par l'apôtre Thomas, elle revendique ses sources antiques et souligne son espace missionnaire.

Au XVIe siècle le schisme qui se produisit au sein de l'église apostolique assyrienne de l’Orient donna naissance à l'église chaldéenne, unie à Rome, et engendra un très grand bouleversement. Les conséquences de ce schisme furent telles que la grande église de l’Orient des premiers siècles devint alors une simple Église-Nation, isolée dans les régions frontalières montagneuses des empires perse et ottoman.

En avril 1915, lorsque commença le génocide des Arméniens et des Assyro-Chaldéens-Syriaques dans les provinces orientales de l'empire ottoman, 150 000 Assyriens survivaient regroupés dans les montagnes du vilayet de Van, au sud est de la Turquie, autour de leur siège patriarcal établi en 1662. Ils résistèrent farouchement aux assaillants turcs et kurdes avant d'être contraints à un exode mortel vers la Perse puis l’Irak. La fin du XXe siècle ne fut guère moins chaotique. Dès 1961 et jusqu'en 2003 les guerres civiles successives qui opposèrent les séparatistes kurdes au gouvernement de Baghdad affectèrent douloureusement les communautés chrétiennes Assyro-chaldéennes du nord du pays : assassinats, rackets, destruction de patrimoine, déplacements forcés de populations, arabisation forcée, gazage…

Aujourd’hui, contre toute attente dans le Kurdistan d’Irak, les assyriens bénéficient d'un répit historique grâce à la politique bienveillante du gouvernement régional kurde en faveur d'une réimplantation des communautés chrétiennes autochtones. L'église de l’Orient peux enfin penser à l’avenir…

 

Gérard Leroy, le 13 novembre 2020