Pour Dominique Leviel, en hommage amical

   Arrivé à Rome, Paul s'en était allé vivre chez Linus, formant des frères pour annoncer l’Évangile. Paul et Pierre, après avoir donné à la communauté chrétienne de Rome, qui existait déjà (1), sa constitution définitive, confièrent la charge de surveillant à Linus, ou Lin, qui allait succéder à Pierre, assurant pendant douze ans son épiscopat, de 67 à 79.  

Acté, le premier amour de Néron, fille de Claude et sœur de Bérénice, confia un jour à l’empereur l’admiration qu’elle vouait à Paul. Néron réclama la liste des prisonniers d’État. 

Ce Paul de Tarse était un prisonnier curieux. La veille de sa comparution, Paul envoya ce message : « Priez Luc de relater nos voyages et toute la connaissance qu’il a de Jésus-Christ. ». Pendant son séjour en prison Paul écrivit à Timothée pour le faire venir : « Paul, apôtre de Jésus-Christ (…) à Timothée (…) désirant vivement te voir. »(2) Paul pria Timothée d’accourir à Rome avec diligence, en amenant Marc avec lui. 

Comme Paul était citoyen romain, c’était à l’empereur de trancher son cas. Il fut donc cité devant le tribunal impérial. Il y avait foule au tribunal. Le forgeron Alexandre raconta les troubles que Paul avait suscités, en Asie, en Syrie et en Grèce. L’accusateur public résuma : Paul était à la tête d’une conspiration dont les membres étaient fidèles d’un agitateur juif, appelé Jésus, ou Christ, qui avait été crucifié à la demande du Sanhédrin juif à Jérusalem, sous l’empereur Tibère, Ponce Pilate étant gouverneur. Les chrétiens réfutaient la majesté divine de Rome, incarnée dans l’auguste Empereur. Ils avaient même, pendant l’incendie, chanté et poussé des cris de joie lorsque le temple d’Hercule s’était écroulé. On considérait Paul comme le meneur de ces Galiléens qui avaient mis le feu à Rome.

Après la tombée de la nuit, Néron aimait se coiffer d’une casquette, et s'introduire dans les cabarets, vagabonder, faire des folies. Néron se souvint soudain avoir cheminé avec Paul tandis qu’il rentrait d’une de ses expéditions nocturnes. Tous deux avaient marché ensemble le long du Tibre. Mais l’accusateur poursuivait : « la secte de Paul pratique, dit-on, d’horribles mystères. Rome a été incendiée par la magie de leur Dieu. » Paul présenta sa défense : « Nous n’avons jamais prêché que l’amour et la charité. L’homme que nous appelons Christ était le Fils du véritable Dieu, il vint prêchant la soumission à César, apportant l’espoir aux humbles et aux pauvres, annonçant la résurrection après la mort. » À ces mots, Néron paraissait troublé. Paul parla de l’apparition du Christ sur le chemin de Damas, de ce que cela signifiait pour lui et pour tous les hommes. « Tu te prétends prophète, lui dit Néron, dis-moi : César règnera-t-il sur l’empire des morts ? » « César possède un esprit élevé et noble, lui répondit Paul. Je dis qu’il ne règnera pas sur un empire au-delà de la tombe, parce que là, les premiers seront les derniers. »

On conduisit Paul à la prison de Tullianum, dans un cachot glacial et obscur, où Paul attendit son exécution.

Timothée, arrivé à Rome, assista en compagnie de Lin et de Luc, au départ de Paul vers son supplice. Le petit cortège emprunta la Voie sacrée, tourna autour du Palatin, puis de l’Aventin, et sortit par la porte d’Ostie. L’échafaud l’attendait. Le centurion permit à Paul de se retirer pour prier. Paul revint, disant : « Je suis prêt. » Un glaive trancha la tête de Paul de Tarse, un glaive parce que Paul était citoyen romain.

Dans la nuit, Luc, Marc, Timothée et Onésiphore enveloppèrent le corps et la tête dans le vieux manteau que Timothée avait apporté de Troas à la demande de Paul en prison. Ils portèrent leur fardeau dans les jardins de Pomponia Graecina, fille d’un consul romain, qu’ils appelaient Lucina. Celle-ci lava le cadavre avec de l’huile et des aromates et le déposa dans une tombe. L’endroit fut longtemps gardé secret. C’est là que s’élève aujourd’hui la basilique de Saint-Paul-hors-les-murs.

L’été 66 se terminait.

 

Gérard LEROY, le 12 février 2019

 

(1)   Rm 8, 7 ; Rm 8, 13

(2)   2 Tm 1, 4