Pour Yves et Marie-Lou Giorello, avec mon affectueuse amitié

   Il serait tout à fait légitime que l’on traite l’évangélisation comme une des missions parmi d’autres, comme pratique naturelle propre aux groupes à message. Si l’Église n’a manifesté parfois qu’un moindre souci de se différencier d’autres groupes à message, elle n’aurait pas à se plaindre qu’on la traite ainsi indifféremment.

Il est légitime que les chrétiens regardent de plus près et davantage de l’intérieur en quoi consiste leur pratique de l’évangélisation, animés par ces convictions : la foi seule peut donner la clé de ce qui se passe lorsqu’on évangélise. C’est de l’intérieur de l’expérience croyante seulement qu’on peut dire le contenu du message, et aussi son origine, son intention, et combien il est irréductible à tout autre message. Car on ne déduit la foi ni de l’aspiration religieuse générale, ni de la dynamique éthique qui habite tout homme, ni de la recherche d’une sagesse intellectuelle, ni d’un humanisme. Seul l’Évangile fait surgir la foi chrétienne. On va de l’Évangile à la foi et de la foi à l’Évangile.

Aux croyants de se comprendre eux-mêmes, de re-saisir d’où ils viennent, de

prendre conscience de ce qu’ils sont en train de faire lorsqu’ils prennent le risque d’évangéliser.

Certains croyants, pour se situer entre l’auto-interprétation et l’hétéro-interprétation, ne sachant pas très bien d’où ils parlent et à qui ils parlent, se contenteraient volontiers de dire : l’évangélisation c’est aider le bonheur des hommes. Mais il y a beaucoup de gens qui veulent contribuer au bonheur des hommes ! Sans doute pas assez d’ailleurs.

Quand il s’agit d’évangélisation on est dépassé. On ne peut pas —même si on a de bons plans, de bonnes stratégies, de bonnes méthodes— susciter l’événement de la foi. À la différence de certains groupes qui sont à la hauteur de leur message au point qu’ils peuvent le manipuler, qu’ils en sont tout à fait maîtres, et donc qu’ils peuvent le vendre sans douleur, le groupe évangélisateur se sent toujours en dessous de l’Événement-Évangile qui fonde la réalité chrétienne.

Le chrétien est à l’intérieur du mystère, au sens chrétien du mot : une réalité apparemment pleinement humaine qu’on peut analyser, dont on paraît maître, mais qui, dans sa profondeur, est l’enjeu d’une présence et d’une action qui dépassent l’homme et qui sont de Dieu.

 

Gérard LEROY, le 1er décembre 2014