Pour le Pasteur Michel Jas, en hommage amical

   Wilhelm Gottfried Leibniz, c'est son nom, n’est pas qu’un scientifique. C’est un touche-à-tout, se mouvant aussi bien dans l’art de la philosophie que dans celui du droit ou du calcul mathématique, et  rêvant d’un retour à l’unification des églises protestante et catholique. Il est né en 1646 à Leipzig, ville sans véritable relief, située sur une plaine de la Saxe. Ce siècle est alors celui de Louis XIV, de Thomas Hobbes, de Jean de La Fontaine et de grands savants auxquels se mêlera Leibniz. 

Orphelin de père à l’âge de 6 ans, le jeune Leibniz s’initie à la philosophie, à Leipzig, puis il s’oriente vers les mathématiques, à Iéna, puis vers le droit. 

Lors d’un séjour à Paris que lui favorise une mission diplomatique, Leibniz se lie avec quelques savants, tels que Huygens ou Malebranche, qui excitent sa curiosité et stimulent ses progrès dans les matières scientifiques. Il conçoit d’ailleurs lui-même une machine à calculer sur laquelle peuvent s’effectuer les quatre opérations. 

Vers la fin de 1676 le voilà bibliothécaire à Hanovre et conseiller du duc de la ville. C’est là, à Hanovre, que Leibniz créé une Académie des Sciences qui lui vaut de parcourir l’Europe dans tous les sens. De quoi multiplier les rencontres, avec Baruch Spinoza notamment, et avec d’autres grands esprits de son temps qui ne se comptèrent pas moins d’un demi millier. 

L’estime qu’on lui porte lui vaut d’être soutenu, pensionné, par Pierre le Grand de Russie, et même d’être fait baron par le Roi multicartes Charles de Habsbourg, roi de Hongrie, roi d’Espagne, de Sardaigne, de Naples et de Sicile. 

Le système qu’il élabore part d’une question : qu’est-ce qui, véritablement, existe ? Réponse du

Maître : la substance individuelle, simple, participant à tous les composés. C’est ce qui s’appelle la “monade”, mot tiré du grec qui signifie “unité”. Tout part d’une unité. Tout est composé d’unités. Par exemple, un tas de sable n’est qu’un agrégat de grains dont chacun est l’unité vraie, irréductible. 

Pour Leibniz c’est Dieu qui créé continûment des monades et les agence. Toute monade ne peut se transformer que par un mouvement interne, en lien avec ce qui la constitue. Toute substance se développe ainsi suivant des lois intérieures, en suivant sa propre tendance, selon sa nature : chacune a donc sa loi propre. Ainsi, si nous connaissons la nature de l’individu, pouvons-nous en dériver tous les états changeants. Cette loi de l’individualité implique des passages à des états non seulement nouveaux, mais aussi plus parfaits. Ce qui existe est donc pour Leibniz l’individuel ; il n’existe que des unités. Sans substance absolument simple et indivisible, il n’y aurait aucune réalité. La monade est conçue selon le modèle de l’âme, “à l’exemple de ce que l’on appelle moi. » 

Toutefois, et malgré son absence de fenêtres sur l’extérieur (“Les Monades n’ont point de fenêtres par lesquelles quelque chose y puisse entrer ou sortir.»), chaque monade est un miroir vivant exprimant tout ce qui advient dans notre environnement sans limites. Parce que la monade perçoit l’univers d’un point de vue qui lui est propre : elle est douée de perception. 

Avec la monade naît la notion moderne d’individu, cet être unique, singulier, irréductible, isolé, promis à une belle carrière aux XIXe et XXe siècles puisque l’individu jouera le rôle que l’on sait dans la littérature, la politique et la civilisation. 

Touche-à-tout disions-nous, Leibniz a laissé sa trace dans plusieurs disciplines, notamment en mathématiques et en géologie. Rien n’échappe à ce penseur d’exception. En linguistique il s’est efforcé de construire la logique d’une langue universelle, sorte d’espéranto avant l’heure !  

Peu à peu abandonné à cause de son universalisme politique —Leibniz n’est reconnu que par l’Académie de Paris— et meurt septuagénaire dans la plus triste solitude en 1716.

 

Gérard LEROY, le 17 mai 2014