L'humanité a toujours été plurielle. De tous temps ont vécu des gens dont la différence était marquée, dans leur comportement, dans leur apparence, dans leur réflexes culturels. Mais si nous le savions nous ne l'expérimentions pas. Aujourd'hui, où que l'on aille, on croise des femmes en boubou, suivies d'hommes en rollers, d'autres en costume trois-pièces, ou en djellabah. Ce monde est pluriel. Il y a de la pluralité, il y a des cultures, des langues, des nations, des religions.

 

Il subsiste bien sûr des frontières, des États, des limites de souveraineté, des lois propres au territoire limité. Mais on assiste aujourd'hui à un estompement des frontières, par le rayonnement de foyers culturels (qui ne sont pas définis par des souverainetés d’États-Nations), influents, généreux, interactifs.

 

Tout cela nous amène à corriger peu à peu notre représentation géopolitique du monde, donnant une considération nouvelle à l’entrecroisement des faisceaux culturels. Nous ne pouvons pas projeter l’état de l’humanité en faisant l’impasse sur sa condition plurielle. Il y a de la pluralité. Nous sommes appelés à découvrir le sens d’une culture dans une autre, en décelant des équivalences, non des identités, non la mêmeté.

 

 

La pluralité, culturelle ou religieuse, suscite des rejets, génère des tensions, voire des conflits, interminables et dramatiques. Et elle pose question aux croyants.

 

La première question que se posent les croyants est celle-ci : la pluralité est-elle de fait (contingence de l’histoire) ou bien est-elle de droit, et alors c'est à un pluralisme que nous aurions affaire ? Le Créateur aurait-il voulu la pluralité ? Que dit l’Écriture ? Avouons-le : la Bible ne nous aide guère là-dessus. Deux Textes cependant méritent d'être consultés quand on examine la question : celui qui relate la construction de la Tour de Babel, dans l'Ancien Testament (Gn 11) et celui qui raconte la fête de Pentecôte à Jérusalem après la Résurrection du Christ (Ac 2, 1-11).

 

Babel,  qu’est-ce que c’est ? Un projet humain d’unité, l'histoire de la construction d’une tour gigantesque. Au cours de cette construction, une incompréhension soudaine se produit, des malentendus se multiplient, les ordres sont incompris, des disputes entre les bâtisseurs éclatent. Un rêve tout-à-coup s’effondre. Ces hommes qui croyaient accéder au ciel et dominer la terre, désespèrent de ne jamais pouvoir parvenir à leurs fins. “Car, dit le Texte, Dieu confondit leur langage et il les dispersa sur toute la face de la terre”.

 

Qu’est-ce que ça signifie ? Que Dieu punit ces gens ? Certes pas ! Un coup de colère de Dieu et c’est à un cataclysme qu’il faut s’attendre. En revanche, le texte révèle la visée créatrice de Dieu : “Dieu répartit l’humanité sur toute la terre.” dit le texte.

 

 

La clé de lecture de cette histoire que tout le monde connaît, est au chapitre XII du Livre de la Genèse. Après la succession des malédictions rencontrées dans les chapitres précédents, sur Adam, Ève, Caïn, Noé, Dieu intervient. En bénissant Abraham. Quelle est la fonction principale d’Abraham ? Abraham rassemble tous les peuples répartis sur toute la terre. Les peuples de la Terre sont issus des trois fils de Noé: Sem, Cham et Japhet (1). Dieu s’adressant à Abraham lui dit : “Par toi se béniront toutes les nations de la terre.” Cette bénédiction, mentionnée cinq fois aux trois premiers versets de ce chapitre XII, répond à la quintuple malédiction prononcée dans les chapitres précédents. Cette bénédiction des nations de la terre, par Abraham qui unit la diversité de tous les clans, est d'évidence à caractère universel. N’atteste t-elle pas le plan divin de la création ?

 

À l’inverse des gens de Babel qui cherchaient à réaliser l’unité sans Dieu, au jour de la fête de Pentecôte c’est l’initiative divine qui rassemble. Cette fête agricole qui marquait à l’origine la moisson des blés, commémore le don de la Loi à Moïse au Sinaï, 50 jours après le passage de la Mer des Roseaux. Elle attire les foules venues de partout : d’Egypte, de Libye, de Rome, de Mésopotamie, de Cappadoce etc. Les apôtres s’adressent à eux, et voilà que chacun entend les apôtres dans sa propre langue. Ils n’ont pourtant pas fait l’École Berlitz ! L’unité s’opère. La diversité est intacte. Toute cette diversité de cultures rassemblées à Jérusalem pour la Pentecôte ne fait-elle pas écho aux nations dispersées que Dieu a bénies en la personne d’Abraham ?

 

La volonté du Créateur n’est-elle pas de créer du multiple ?

 

G. LEROY

 

  • (1) Sem est l'ancêtre des Sémites, des peuples d’Arabie; Cham celui des Égyptiens, des Nubiens, des Libyens, des Éthiopiens, et des peuples d'Arabie du Nord; quant à Japhet il est l'ancêtre des Phéniciens, des Philistins, des peuples d'Asie Mineure, des Mèdes et des Grecs.