L'appel visant à accueillir l'étranger est enraciné dans toutes les grandes religions.

Dans le livre des Upanishads, somme philosophique indienne du XVe s. av. J.C., un mantra dit bien que l'hôte, plus que messager envoyé par Dieu “est semblable à Dieu”. Nous sommes ici en présence de l'hospitalité dans la culture hindoue. Au centre du dharma ou de la morale hindoue, sinscrivent la compassion, la non-violence et la volonté de servir l'étranger et l'hôte inconnu. C’est un devoir traditionnel de lui offrir le gîte et le couvert. Plus généralement, le concept de dharma consacre l'injonction à faire son devoir, aussi bien à l’égard de l’étranger qu’à celui de la communauté, ce devoir mettant en avant la non-violence et l'abnégation au service du bien de tous.

Le canon bouddhique dit des Trois corbeilles (Tipitaka en pali, Tripitaka en sanscrit), qui rassemble les textes fondateurs du premier bouddhisme, le Theravada,  souligne l'importance de cultiver quatre états d'âme : la bienveillance, la joie, l’équanimité, et la compassion. Ses traditions du bouddhisme sont diverses le concept de karuna est commun à toutes. Ce concept recouvre les qualités de tolérance, de non-discrimination, d’inclusion et d'empathie pour la souffrance des autres. Il reflète le rôle central que joue la compassion dans d'autres religions.

La Torah (la loi juive), qu’on appelle le Pentateuque en régime chrétien, présente trente-six occurrences du respect qu’on doit à l'étranger. Le Livre de l’Exode recommande de ne pas opprimer l’étranger (Ex 23,9). Quant au Lévitique, troisième des cinq livres de la Torah, reprenant ce que dit le Livre de l’Exode il justifie l'un des fondements les plus remarquables de la foi juive : "L'étranger qui séjourne parmi vous, vous sera comme celui qui est né parmi vous, et tu l'aimeras comme toi-même ; car vous avez été étrangers dans le pays d'Égypte”. (Lv 19, 33-34). 

Dans l'Évangile de Matthieu (Mt 25, 35), nous entendons l'appel : “J'ai eu faim et vous m'avez donné à manger, j'ai eu soif et vous m'avez donné à boire, j'étais étranger et vous m'avez accueilli...” Brassens lui fait un bel écho dans la chanson pour l’Auvergnat. La Lettre aux Hébreux nous invite à  persévérer dans l'amour fraternel. “N'oubliez pas l'hospitalité ; quelques-uns en la pratiquant ont, à leur insu, logé des anges” (He 13, 1-2).

 

Lorsque le Prophète Mohammed a quitté la Mecque, le 16 juillet 622 (date qui inaugure le calendrier musulman), il a cherché refuge à Medine. Cette séparation, cette migration, qu’on appelle l’Hégire, (hijrah en arabe), symbolise le déplacement depuis les terres hostiles de La Mecque vers une oasis plus clémente, et l’aspiration à un traitement plus hospitalier de la part des Médinois, bien que ce ne fut guère le cas. Le Coran, en certains passages, appelle à la protection du demandeur d'asile, qu'il soit musulman ou non-musulman, et dont la sécurité et la protection sont garantis : “[…] ceux qui [...] ont donné refuge et porté secours, ceux-là sont les vrais croyants : à eux, le pardon et une récompense généreuse » (Cor 8, 74).

Le monde compte aujourd'hui des dizaines de millions de réfugiés et de déplacés. Nous sommes tous, en quelque sorte, des migrants sur cette Terre, cheminant ensemble dans la voie de l’espérance.

Il n’y a pas si longtemps, c’était en décembre 2012, António Guterres, le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, a organisé un dialogue avec des chefs religieux, des organisations humanitaires confessionnelles, des représentants de gouvernements du monde entier et des chercheurs sur le thème « Foi et Protection ». Le Haut Commissaire a déclaré dans son introduction, “… tous les systèmes de valeurs des principales religions embrassent l'humanité, le soin et le respect de l'autre, ainsi que la tradition d'octroyer une protection aux personnes en danger. Les principes du droit moderne des réfugiés s'enracinent profondément dans ces Écritures et Traditions anciennes.” En clôturant ce grand rassemblement, le Haut Commissaire a souscrit à une recommandation relative à l'élaboration d'un code de conduite à l'intention des chefs religieux visant à accueillir les migrants, les réfugiés et d'autres personnes déplacées de force et à lutter contre la xénophobie.

Un an plus tard, en 2013, une coalition de grandes organisations humanitaires confessionnelles et d'établissements universitaires ont rédigé un texte intitulé : “Accueillir l'étranger : affirmations des chefs religieux.” Ce texte, traduit en arabe, en chinois, en espagnol, en français, en hébreu et en russe, appelle les chefs de toutes les confessions à “accueillir l'étranger” dans la dignité, le respect et l'appui bienveillant. 

Ce texte était signé par le Conseil Œcuménique des Églises, World Evangelical Alliance et World Vision International), le groupe Islamic Relief Worldwide, Jesuit Refugee Service, la Fédération luthérienne Mondiale, Oxford Centre for Hindu Studies, l’ONG Religions for Peace, University of Vienna Faculty of Roman Catholic Theology. 

 

Gérard LEROY, le 5 mai 2014