Le christianisme à la veille de devenir religion d’État

Pour Véronique et Bernard Schürr, en hommage amical

   Le passage au IVe siècle se déroule sous l’autorité impériale de Dioclétien, né à Split en 244. Le bonhomme, autoritaire, se fait appeler Seigneur ! Excusez du peu. Il réorganise l’administration de l'Empire, instaure le gouvernement le plus important et le plus bureaucratique de l'histoire de l'Empire (1).

 

La soumission du peuple à Dioclétien est acquise. Les Césars sont alors sinon compris, admis du peuple. Comment pourrait-il en être autrement ? Le pouvoir venant de tout là-haut, y déférer ne peut que déboucher sur un effet double, vous gratifier des bonnes grâces et du Panthéon et du Palatin.

 

À Rome, et dans tout l’Empire il y a des dieux par centaines, et qui viennent de partout. Et l’on parle de plus en plus de cette secte moyen-orientale fondée sur l’adoration de ce Chrestos ou Christus, qu’on dit d’origine juive. Comme le fait observer Lucien Jerphagnon, dès lors que ses adeptes se tenaient tranquilles, un dieu de plus ou de moins ne gênait personne : en matière de dieux Rome était ville ouverte (2). Au plan civique, dès lors qu’on ne mettait pas la pagaille, on pouvait bien adorer qui on voulait.

 

Cependant l’absence des chrétiens aux cérémonies du culte finit par être remarquée... et jugée malveillante par le peuple romain. Jamais ils ne prennent part aux banquets sacrés, où l’on mange de la viande des sacrifices. Et si on les y oblige ils préfèrent généralement endurer mille morts plutôt que de céder. C’est stupide, et comme le dit malicieusement L. Jerphagnon : “ce n’est pas poli !”. Qui sont ces gens ? Pour qui se prennent-ils, pour mépriser les divinités protectrices de Rome et de l’Empire ?

 

S’ils adorent leur Dieu —qu’ils prétendent pourtant unique—, les chrétiens n’empêchent pas l’adoration d’un dieu païen. Le pouvoir romain autorisait bien les juifs à pratiquer leur religion, certes moyennant redevance, mais aux yeux du pouvoir, il s’agissait chez les juifs d’une divinité ethnique, propre à leur communauté. Alors que les chrétiens qui déboulent de partout, c’est au nom de leur Dieu Christus qu’ils boudent les cérémonies officielles. Les chrétiens se démarquent de la société romaine qui entend que ses valeurs soient partagées par tout le monde. Les chrétiens refusent-ils d’adorer d’autres dieux ? Oui. Donc ils sont athées. Aux persécutions, c’est ce que tout le monde crie : “Mort aux athées !” Car c’est la faute de ces athées si les dieux vexés envoient une punition générale.

 

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