Pour Marie Rennes

 

Notre ami Ghaleb BENCHEIKH, a bien voulu nous autoriser à reproduire sa chronique parue dans le journal La Croix du vendredi 19 septembre. Nous l'en remercions vivement. Cette réflexion est celle d'un intellectuel musulman qui n'a jamais dévié de sa trajectoire en faveur du dialogue interreligieux.

 

 

"La visite de Benoît XVI a été un événement de taille dans la vie de la nation. Première du genre pour le pape depuis son élection, elle a impliqué trois dimensions essentielles. La première relève des affaires de l'Église : ce fut une visite pastorale réussie. La deuxième est d'ordre politique, donnant une nouvelle impulsion au sempiternel débat sur la laïcité en montrant que le concept, mutant depuis quelques années, est loin d'être autosuffisant s'il faut lui accoler une épithète "positive" ou "ouverte". Enfin la troisième dimension est relative au dialogue interreligieux.

 

 

Ce serait irresponsable de ne pas encourager le dialogue et la rencontre des religions, entend-on ces derniers temps dans les discours officiels, en vue de garantir la paix par les religions. Cependant, ce ne sont pas les religions en tant que telles qui peuvent construire la paix ou l'altérer, ce sont les hommes et les femmes qui y adhèrent et sont appelés à être des artisans de paix. Pour cela, il leur faut se conformer aux références des Saintes Écritures —Torah, Évangile et Coran, pour s'en tenir ici à la famille abrahamique. Juifs, chrétiens et musulmans, hiérarques ou simples fidèles, doivent proclamer la miséricorde divine et la fraternité entre les humains avec maîtrise de soi au moment de la colère afin de subsumer la violence. N'y accèdent que ceux capables d'un sursaut venu du tréfonds de l'être, mus par un élan intérieur. En réalité tout revient à la personne humaine et à sa conscience. Lit-elle dans l'enseignement religieux ce qui fonde la paix, la bonté et la justice, ou bien veut-elle justifier l'exclusivisme par une compréhension étriquée des textes et un recours à l'histoire sans se déprendre de la haine ? La liberté de l'homme est à ce prix.

 

 

Une mauvaise compréhension des préceptes religieux et une radicalisation trop grande à cette compréhension erronée induisent souvent les adeptes des grandes religions à la violence et à la guerre. Dans ce cadre, des illuminés exaltés, autoproclamés seuls défenseurs exclusifs des droits de Dieu, ne cessent de tout bafouer. Sous p^rétexte de protéger la religion, ils finissent par prendre Dieu en otage et confisquer son message en le pervertissant. En réalité, les religions à la fois sont fauteuses de troubles et recèlent des enseignements religieux propagateurs de paix, de justice et d'aménité. Tout, ici, revient à une question d'interprétation et de choix de compréhension.

 

 

Une religion saine délégitime la violence et la déclare hors la loi de la morale universelle. Elle promeut la dignité humaine et la fraternité dans une attitude de respect de l'autre, étendue jusqu'aux situations de conflit. La religion constitue, entre autres missions, le levier moral pour lutter contre l'injustice et l'oppression. Mais elle doit le faire par des moyens pacifiques, en enseignant une disposition constante au pardon et à la réconciliation. Elle enjoint à la bienveillance à l'égard de tous les êtres humains et à la conciliation de la conviction avec l'esprit de responsabilité."

 

 

 

Ghaleb BENCHEIKH, Président de la Conférence Mondiale des Religions pour la Paix (France).